7 sommets du Canigou
– une traversée du massif des Catalans –
jours de marche
km parcourus
mètres de dénivelé positif
🗺️ Informations techniques
Ces informations ainsi que les tracés sont donnés à titre indicatif. Nous vous déconseillons de les utiliser tels quels ! Préférez vous référer à une carte de randonnée pour préparer votre voyage.
Jour | Date | Etape | Distance (km) | Dénivelé + (m) | Dénevelé – (m) |
1 | 13/07 | Amélie-les-Bains -> Cabane de l’Estanyol | 20,8 | 1573 | 297 |
2 | 14/07 | Cabane de l’Estanyol -> Plat des Cortalets | 11,9 | 712 | 62 |
3 | 15/07 | Repos | – | – | – |
4 | 16/07 | Plat des Cortalets -> Gourgs de Cadi ⛰️ Pic du Canigou, Puig Sec, Puig del Roc Negre |
11,8 | 1073 | 777 |
5 | 17/07 | Gourgs de Cadi -> Abri el Saquès ⛰️ Pic dels Gorgs, Puig Roja, Pic de Bacivers, Pic dels Set Homes |
12,5 | 485 | 1158 |
6 | 18/07 | Abri el Saquès -> Prats-de-Mollo-La-Preste | 11,4 | 58 | 1041 |
Les topos
🚉Accès
- Se rendre à la gare de Perpignan (TGV provenance de Paris, Intercités en provenance de Paris et Toulouse, TER régionaux)
- A la gare routière de Perpignan (attenante à la gare de trains), prendre le bus 530 direction Arles-sur-Tech
Pour voir les horaires: https://www.lio-occitanie.fr/horaires-et-plans/ > Pyrénées Orientales > Ligne 530 - Arrêt à Amélie-les-Bains Gare Routière
Pour le retour depuis Prats-de-Mollo:
- Prendre le bus 531 au départ de Prats
- Changer pour le 530 à Arles-sur-Tech afin de regagner Perpignan.
Remerciements spéciaux à mon papa adoré qui relit et corrige tous les compte-rendus 💕

1er jour – Dimanche 13 juillet
20,8 km / 1573m d+ / 297m d-
Cela fait environ deux semaines que nous repoussons notre départ vers le fameux massif catalan à cause de la météo. Entre la canicule qui nous a fait passer de douloureux jours à presque 40 degrés et les orages qui s’en sont suivi, il ne faisait pas bon être dans la montagne. Heureusement, l’accalmie est arrivée, et nous voilà enfin sur le départ !
La météo annonçait de la pluie toute la journée d’aujourd’hui et demain. Nous étions prêt à faire ce sacrifice pour arriver sur les cimes les jours de beaux temps, mais ce matin, un soleil timide perce entre les nuages. On dirait qu’il ne va pas pleuvoir tout de suite.
Nous voici à 9h pétantes dans les rues d’Amélie-les-Bains pour commencer notre randonnée. Sac sur le dos, avec 7 jours de nourriture et 1500m de dénivelé à s’enfiler sur 20km.
Nous passons côté « Petite Provence » d’Amélie, en route vers le col de Formentera par l’itinéraire de la HRP (Haute Route Pyrénéenne). Ça monte assez raide dès le début. De quoi se mettre en jambes. Nous cheminons dans les bois, sur un chemin sec et caillouteux. Le sac pèse son poids, je le sens qui essaye de m’enfoncer dans le sol, alors que moi j’essaye de m’élever un peu plus haut à chaque pas.
Nous arrivons au col de la Formentera et traversons un ancien village minier. Des nombreux bâtiments, il ne reste seulement que les murs mangés par la végétation. Les maisons s’échelonnent sur trois étages différents, comme des terrasses. Les toits béants de l’étage inférieur s’ouvrent à côté de nos pieds. Le village avait été bâti pour accueillir une centaine d’ouvriers, qui travaillaient dans les mines de fer. Des trains passaient là dans les années 1900, et desservaient Amélie avec des wagons remplis de minerai, à la gare de la Petite Provence.
Ça me fait penser à un texte écrit par le gardien du refuge des Cortalets, parlant du temps d’avant le train.
[Nous marchons sur] les sentes qui servirent à transporter les minerais jusqu’en plaine. Nos sacs de dix kilos font pâles figures à côté des 44kg portés par les mineurs, eux qui cherchaient le moindre effort pour vivre, pendant que nous ne cherchons l’effort pour nous sentir vivant, dans ce monde aux muscles absents ne se mouvant plus qu’à l’énergie du pétrole.
A chacun sa peine, à chaque génération son histoire.
Vue sur le Vallespir depuis le village minier de la Formentera (source: lelongedeschemins.home.blog)
Bâtiments abandonnés du village minier de la Formentera (source: lelongedeschemins.home.blog)
L’ambiance industrielle fantôme n’étant pas spécialement propice au pique-nique, nous continuons notre chemin à la recherche d’un endroit plus sympathique pour faire une pause. Ou peut-être même s’arrêter pour la journée ? Il nous semble que nous avons été un peu gourmand pour une première étape. Mais bien vite, nous revenons à l’évidence : si notre étape est si longue, c’est parce qu’il n’y a pas tellement de choix. Il nous faut un endroit à proximité d’un point d’eau pour nous arrêter, et c’est ce qui nous manque par ici: de l’eau.
Midi passe et s’en va. Nous adaptons un peu notre route pour passer à côté d’une rivière. Ce sera notre halte du midi, au bord d’une piste, pas très sexy à première vue mais très agréable, surtout quand on est fatigués. Les oiseaux chantent, la petite cascade glougloute. De nombreux papillons viennent voleter autour de nous.
Nous repartons en direction de la Torre Batera. Mon corps tient plutôt bien le coup mais Flo est un peu plus rouillé, sa hanche et son genou le font grimacer.
Le ciel devient de plus en plus gris à mesure que la journée avance mais il ne semble pas encore décidé à pleuvoir. De mystérieuses écharpes de brumes enveloppent déjà les montagnes, donnant un côté dramatique à la Tour de Batère. C’est une ancienne tour à signaux, construite vers 1340. Perchée sur un rocher et dominant la vallée, elle est impressionnante. Toujours fidèle à son poste de gardienne même si elle ne signale plus grand chose, de nos jours.
En repartant, nous croisons deux chèvres perdues qui s’y rendent pour bêler après leurs congénères.
La Torre Batera (source: wikipédia)
On rase la montagne à flanc pour rejoindre le refuge de Batère. C’est un sentier peu emprunté, assez discret, avec une très jolie vue sur la vallée. Nous évitons le refuge et continuons directement vers le col, sur le GR10. On monte tout doucement, fatigués, sans un regard en arrière. On a hésité à aller bivouaquer au refuge mais la perspective de se rajouter 300m de dénivelé demain ne nous a pas vraiment enchanté. D’autant que la nuit à côté de la cabane de l’Estanyol promet un meilleur décor.
Après le col caillouteux et raide, le GR10 se transforme en agréable chemin dans la forêt. C’est vert, moussu, très joli. On a même trouvé quelques myrtilles.
Nous descendons tranquillement nos derniers kilomètres jusqu’à la cabane de l’Estanyol, où de nombreux randonneurs ont trouvé refuge et sont en train de papoter ou de faire à manger. Nous discutons un peu avec eux en remplissant les bouteilles d’eau. Ce sont tous des GRdistes, des randonneurs qui font le GR10 d’un bout à l’autre, qui sont soit tout au début, soit tout à la fin de leur voyage. De bons souvenirs reviennent et nous échangeons avec enthousiasme sur leurs exploits, leur planning, leurs coins préférés.
Puis on va monter la tente un peu plus loin dans un petit champ. Le sol est plein de cailloux, c’est galère de planter les sardines ! Et aucune trace de cet étang (« estanyol ») dont la cabane se vante.
Il ne pleut toujours pas, ce qui est assez incroyable. On peut même manger dehors. Je commence à faire un peu de peinture, inspirée par les flancs de montagne, le ciel rose, les pins à crochets sombres. Flo rentre dans la tente pour fuir les moustiques, et une seconde après la pluie commence à tomber. Je jure très fort en rangeant mes affaires en catastrophe. Tant pis pour ma peinture du soir ! J’aurais quand même bien profité du paysage.
2ème jour – Lundi 14 juillet
11,9 km / 712m d+ / 62m d-
On se réveille tranquillement avec le soleil vers 8h. On avait dit 7h, mais j’ai « oublié » de mettre le réveil et puis, à quoi bon se dépêcher? On a tout notre temps. On range la tente et on va prendre le petit déj’ à côté de la cabane de l’Estanyol, pour faire le plein d’eau et une petite lessive au passage. On voit passer pas mal de randonneurs sur le GR.
Vers 10h, on se met en route. Le chemin est plat sur les 3/4 du trajet. On continue de traverser cette si charmante forêt, au sol couvert de buissons de myrtilles (mais sans myrtilles… snif…). Les arbres s’écartent régulièrement pour nous laisser contempler les hauts flancs mi-caillouteux mi-herbeux du massif du Canigou, et la vallée de la Têt qui fait doucement son apparition. Le Canigou reste discret, la tête dans les nuages.
Nous déjeunons au bord d’un ruisseau qui dévale la montagne en de multiples petites cascades parsemées de fleurs. On fait des concours de « pieds dans l’eau froide » qui ne durent que quelques secondes car l’eau est tout simplement glaciale.
En repartant, on doit contourner quelques vaches avec leurs petits qui se sont installées au milieu du chemin pour brouter. Comme on n’a pas très envie de se faire embrocher par une de ces grosses mamans qui se méfierait un peu trop de nous, Flo nous fraye un chemin à travers les fourrés.
La partie la moins facile de la journée commence maintenant, on doit monter jusqu’au refuge des Cortalets. Il y a bien 500m de d+ d’un coup. On grimpe le long d’une crête dégarnie offrant un magnifique spectacle sur la vallée. Si les conditions atmosphériques étaient un peu meilleures on pourrait même voir la mer. On fait une pause dans la montée pour contempler le paysage et faire la sieste. J’ai continué mon aquarelle d’hier. Flo aurait bien aimé bivouaquer là mais moi je me fais trop d’inquiétude vis à vis de notre réserve d’eau donc on va monter jusqu’aux abords du refuge.
Nous finissons la montée dans le nuage à notre tour. Les chemins se sont vidés de leurs randonneurs pour notre grand plaisir. Le chemin hésite entre forêt et éboulis pour finir par aboutir au plat des Cortalets. Si l’on en croit son étymologie, il devait y avoir des petites bergeries ici, dans le temps.
Nous buvons un coup sur la terrasse du refuge avant d’aller monter la tente. Tandis que nous nous installons et que nous mangeons, le nuage gris et ses moustiques laissent peu à peu place à un ciel bleu dégagé, dévoilant dans les reflets roses du soir la haute silhouette du Canigou qui nous domine. La nature a le sens du spectacle.
A 21h alors qu’il ne fait pas encore nuit, nous sommes déjà au dodo.
3ème jour – Mardi 15 juillet
Repos
Nous sommes tirés du sommeil et de la tente par le soleil qui perce à travers les nuages. D’un petit cocon un peu frais et douillet, l’intérieur de la tente se transforme en cocotte-minute et il faut ouvrir de tous les côtés pour retrouver un peu d’air. Nous rangeons les duvets et les matelas. Je suis un peu hagarde et pourtant j’ai plutôt bien dormi, je crois. On laisse la tente sur place mais sans ses piquets, ne sachant plus si c’est autorisé ou non, avant de nous diriger vers le refuge pour prendre un bol de chocolat et un croissant, luxe ultime dans la montagne. La matinée est tranquille, les petites mains du refuge sont en train de finir le ménage. Le gardien apparaît dehors pour faire son inspection en drone. Flo en profite pour lui demander si c’est autorisé ou pas de laisser sa tente: hé non, il faut la démonter, pour laisser le sol respirer pendant la journée. C’est pour ça que le bivouac est autorisé mais pas le camping (= le fait de laisser sa tente à un emplacement plusieurs jours). Remballage des affaires, donc.
Après le petit déj’, on s’affaire à un peu de lessive. Il fait grand soleil, ça devrait sécher dans la journée. Nos corvées remplies, nous voilà libre pour le reste de la journée. Il est 11h et nous nous dirigeons non loin, au lac des Estanyols, à une dizaine de minutes à pied du refuge. C’est un lac tout vert, rempli d’herbes, avec une très belle vue sur le Canigou. Nous trouvons un petit coin à l’ombre sous les pins pour nous reposer.
La journée s’étire tranquillement, entre siestes et peintures, ponctuée de temps en temps d’ éclats de voix de ceux qui redescendent du Canigou.
Il est encore tôt quand nous regagnons les abords du refuge pour poser la tente pour la nuit. Les moustiques nous accompagnent pendant le repas, eux aussi veulent manger, mais je suis bien planquée sous mon manteau et Flo dans la moustiquaire de la tente. A 20h30, nous avons terminé et sommes parés à nous mettre au lit. Demain, la journée commence tôt.
Très tôt.
4ème jour – Mercredi 16 juillet
11,8 km / 1073m d+ / 777m d-
Le réveil sonne à 4h. Quelques bâillements plus tard, nous rangeons nos affaires avec des gestes méthodiques malgré la pénombre. C’est la lune qui nous éclaire à travers la toile de la tente, le temps de remettre la main sur les lampes frontales. Le terrain n’était pas très confortable, ni Flo ni moi n’avons vraiment bien dormi. Le bon côté des choses c’est qu’on est pas trop dans les vapes, puisqu’on a pas vraiment été tirés d’un sommeil profond.
Il nous faut un peu moins d’une heure pour tout remballer. En rebroussant le chemin jusqu’au refuge, notre point de départ pour la crête du Barbet, nous échangeons des « bonjour » dans un souffle avec ceux qui vont dans l’autre sens pour faire le Canigou par la voie normale. A 5h, nous démarrons notre rando, complètement seuls sur ce versant. Nos lampes projettent un timide faisceau devant nos pieds. Pas trop fort pour ne pas nous aveugler mais assez pour repérer le terrain. Le sentier monte dans la forêt. Il est raide, et malgré la fraîcheur de la nuit, nous sommes en tee-shirt et on a chaud. Dans le noir, le temps semble perdre son sens. Les virages s’enchaînent, apparaissant soudainement dans notre champ de vision.
Nous quittons peu à peu la forêt pour rejoindre la crête du Barbet. Le sentier est bien dessiné. Derrière nous s’étend la plaine du Roussillon, et la mer. Le soleil fait frémir l’horizon, qui se déchire doucement en un trait rouge sang. Au fur et à mesure de notre ascension, il s’épaissit et se décline en une plus grande variété de couleurs. Orange, jaune, bleu marine. Le Canigou, devant nous, se révèle dans les lueurs douces du matin. Le ciel est tel un écrin bleu tendre et rose, moelleux et accueillant. Le monstre de roche est adoucit par ces belles couleurs. On voit déjà à son sommet les premières silhouettes qui apparaissent.
Le vent se lève avec l’altitude, et nous devons enfiler une polaire pour ne pas geler sur place. Le Barbet s’adoucit et nous voilà en train de descendre vers le col de Velmanya avant d’avoir eu le temps de dire ouf. Première partie de l’ascension effectuée. Ce n’était pas du tout aussi impressionnant que ça en avait l’air sur la carte.
Nous laissons nos sacs à dos au col pour aller grimper le Canigou par la Cheminée, en aller-retour. Avec 10kg en moins sur le dos, j’ai l’impression de flotter au-dessus du chemin. Nous crapahutons comme des chèvres jusqu’au sommet. La cheminée est toujours aussi sensationnelle. Il faut mettre les mains à chaque pas, et même si ce n’est pas difficile en terme d’escalade, c’est quand même impressionnant d’évoluer dans cet amas rocheux et vertical.
La vue au sommet est à couper le souffle. Le soleil s’est levé mais se dissimule dans un gros stratus bleu, et seul son reflet illumine la mer de mille feux. Elle brille, étendue dorée dans laquelle plongent les montagnes à Banyuls ou Cerbère. Tout autour de nous, la vallée s’éveille. Dire qu’il y a des gens qui vont au travail aujourd’hui…
Nous nous extasions avec les autres personnes au sommet, et un quart d’heure plus tard nous repartons par là où nous sommes arrivés, prêt à continuer nos assauts sommitaux. La cheminée se descend très bien, sans sac à dos. Ce n’est pas un escalier, mais presque. Un escalier qu’il faut descendre plus ou moins sur les fesses, quand même.
Retour au col, où nous récupérons à regret nos sacs à dos. D’ici, plus de sentier, c’est fini. Devant nous se dresse le Puig Sec, et nos seules indications pour y grimper sont « suivez la crête facile ». Facile, facile… Nous traçons notre petit bout de chemin dans l’herbe sèche et les rochers. Quelques cairns sont disséminés ici et là, nous guidant vaguement. Florian est devant. Je ne sais pas comment il fait pour si bien s’en sortir dans ce genre de terrain. Moi je passe mon temps à me demander si c’est plutôt à droite ou à gauche, et dès que j’ai pris une décision je me demande si c’est la bonne. Lui, il arrive à se tenir à un semblant de trace, et nous finissons par atteindre le sommet à grand renfort de mains sur les cailloux. Voilà notre 2ème sommet de la journée. Derrière nous, le Canigou, et devant, l’interminable crête qui traverse le massif. Heureusement, il est tout juste 9h.
La descente jusqu’au col suivant n’est toujours pas évidente, mais ce n’est rien par rapport à ce qui nous attend pour atteindre le Pic de la Roche Noire (Puig del Roc Negre). L’ascension commence sur de la roche. Notre trace GPS évite par la droite un sursaut rocheux, mais impossible de trouver le passage. Nous passons droit dedans. La paroi s’élève sur une dizaine de mètre au-dessus de nos têtes. Elle n’est pas verticale, merci, mais il faut quand même y aller en escalade. Avec le vent, le sac à dos, les prises un peu branlantes, je passe un sacré moment à trembler des genoux en grimpant derrière Flo, qui m’ouvre la voie avec un peu plus de courage. Dans un éclat de poésie, les yeux vers le ciel, je murmure « oh, un vautour fauve », en voyant passer la silhouette du rapace au-dessus de nos têtes.
» La paroi s’élève sur une dizaine de mètres au-dessus de nos têtes. Elle n’est pas verticale, merci, mais il faut quand même y aller en escalade. »
Je réussis à m’extirper de mon escalade. Nous poursuivons vers le sommet, en contournant les ressauts rocheux tant bien que mal, avec les pieds pas très loin du vide. Ca faisait longtemps que je n’avais pas été concentrée comme ça. Jamais mes yeux ne se posent en contrebas. Je ne regarde que là où je vais.
Le sommet finit par se dévoiler à nos yeux. Nous nous asseyons sur un bout de caillou pour ôter nos sacs à dos et soupirer un bon coup après cette ascension éprouvante. Autour d’un bout de fromage, nous évaluons ce qui nous reste à parcourir. C’est notre 3ème sommet et il est 13h. Dans notre programme, nous en avons encore 5 à faire !
Au col suivant, après une descente scabreuse et fatiguante, nous décidons à l’unanimité de saisir notre « voie de secours » prévue, et d’aller nous reposer aux lacs des Gourgs de Cadi, 200m plus bas. De l’eau, du repos. Après plus de 7h de marche sur les hauteurs, nous sommes drôlement soulagés de retrouver de l’herbe douce et un lac réconfortant.
En cherchant un peu, nous trouvons même une petite zone de bivouac, toute prête à nous accueillir. Ici, il n’y a personne pour nous surveiller alors nous montons la tente, pour nous protéger de la morsure du soleil de l’après-midi.
Après avoir exploré plusieurs possibilités, dont celle de descendre jusqu’au refuge des Mariailles, nous décidons finalement de poursuivre la crête le lendemain. Notre seul compromis est d’esquiver le Pic des 3 Vents, et ainsi amputer notre traversée des sommets de l’un d’entre eux, pour nous épargner un peu d’effort. Nos acensions nous prendront un jour de plus que prévu, mais heureusement nous avons notre « jour de secours » dans les provisions. Ceci décidé, nous pouvons prendre un peu de repos au bord de notre petit lac.
5ème jour – Jeudi 17 juillet
12,5 km / 485m d+ / 1158m d-
Un après-midi de repos et une bonne nuit de sommeil n’étaient pas de trop pour entamer cette deuxième partie. Nous démarrons de jour cette fois, car le chemin pour remonter au col est inexistant et serait trop dangereux de nuit. Avec une pente caillouteuse à 45 degrés, c’est un sacré exercice de cardio dès le matin !
Derrière ça, le Pic des Gourgs est un véritable jeu d’enfant. Presque à niveau, nous grimpons quelques rochers pour aller nous poster dessus et contempler le paysage en grignotant une barre de céréales.
Les autres sommets sont de plus en plus faciles. De loin, ils semblent tous infranchissables, mais les cairns plus nombreux et les bouts de chemins discrets nous permettent d’avancer régulièrement. La montée au Pic Rouge (Puig Roja) est sans doute la plus amusante de la journée, sur un sentier presque dessiné, où il faut mettre un peu les mains et chercher des cairns assez visible. On passe de « perdus dans les rochers », la veille, à « chasse aux trésors » aujourd’hui.
Le Pla Guillem apparaît en contrebas. C’est un altiplano qui porte bien son nom, il est plat. Il donne droit sur les montagnes du Conflent, dans lesquelles se cachent les gorges de la Carança, que nous avons prévu d’explorer plus tard. Le Pla Guillem est une terre d’altitude sèche et pelée qui n’est, à vrai dire, pas très attrayante.
La descente est longue et une fois arrivés, malgré notre lassitude, ni Flo ni moi n’avons vraiment envie de nous y arrêter. En plus, il n’y a quasiment pas d’eau. Nous continuons notre route vers des altitudes plus clémentes, en suivant le GR T83. L’herbe sèche laisse bientôt place à des petits buissons et quelques sapins, plus verts, plus agréables.
Nous descendons longtemps, jusqu’à la Cabane des Estables, où nous rencontrons un homme qui voyage avec son mulet. La cabane est prise par le vacher, qui est absent pour le moment, au grand dam du monsieur au mulet qui aurait bien besoin de se faire dépanner d’un peu d’eau. Au ruisseau d’à côté, nous lui prêtons notre filtre pour qu’il puisse étancher sa soif sans risquer d’attraper un petit ver.
En discutant, nous apprenons que lui aussi habite dans les environs, à côté de Prats-de-Mollo. Son mulet, Joli-Cœur, arrache l’herbe avec appétit et se roule par terre, heureux d’être débarrassé de son bât. C’est un joyeux duo ! Nous les laissons en souhaitant de se recroiser dans le futur, au marché de Prats ou sur les chemins.
Il ne nous faut pas longtemps pour tomber sur l’abri el Saqués, que nous visions plus ou moins pour la nuit. Viel orri restauré, il se dresse comme un petit champignon gris dans son écrin de verdure.
Un cours d’eau cascade en doux glouglous à ses côtés, séparé de l’abri par un espace plat et rond, doté d’une table faite d’un énorme bloc de pierre et entouré de plus petits rochers taillés en cube, véritable invitation à venir s’asseoir pour manger ou jouer aux cartes. Attenant à l’orri, un petit champ en friche fait l’objet de notre attention. C’est définitivement l’endroit idéal pour planter la tente pour la nuit. L’intérieur de l’orri, bien qu’en très bon état, ne nous tente guère car la place manque, ainsi que la précieuse moustiquaire.
Pour une fois, on se répartit les tâches. Flo monte la tente pendant que je prépare le repas. J’en profite pour me débarbouiller avec l’eau de la rivière. J’ai des litres de sueur et de crème solaire à évacuer… L’eau est froide et ça fait un bien fou. Après ça, je me sens toute neuve et presque prête à retourner à la civilisation le lendemain.
Assis à table comme des gens civilisés, nous dégustons notre semoule-soupe-de-champignon en profitant du paysage enchanteur et des derniers rayons du soleil. Nous sommes suffisamment redescendus en altitude pour qu’il ne fasse pas froid tout de suite lorsqu’il disparaît derrière les montagnes. Nous avons encore bien crapahuté aujourd’hui. Notre traversée des sommets du massif du Canigou est (presque) complète. Une petite pointe de regret traverse Florian vis-à-vis du Pic des Trois Vents qui manque à notre palmarès. Moi, je suis trop contente qu’on ait réussi à aller jusqu’au bout, ce qui est déjà une belle réussite. 7 sommets en deux jours, et les plus hauts du massif, c’est un score très honorable, et c’était surtout une belle découverte. J’ai l’impression de mieux connaître ces intimidantes cimes qui nous dominent de partout dans les plaines des Pyrénées-Orientales. Je n’oublierai plus jamais leurs noms.
6ème jour – vendredi 18 juillet
11,4 km / 58m d+ / 1041m d-
Dernier jour de notre périple. Nous avons dormi comme des loirs dans notre petite tente bleue, dressée près du ruisseau. Au petit matin, nous remballons nos affaires et quittons notre nid douillet presque avec regret pour descendre vers Prats-de-Mollo, à une dizaine de kilomètres de là. Julien et Joli-Cœur nous sont passés devant en nous laissant quelques traces fraîches de leur passage.
Le GR T83 est un sentier plutôt… désert, et un peu abandonné par endroit. La végétation envahit parfois le sentier et nous devons progresser en écartant à grands gestes d’envahissants genêts, en marchant sur un muret pour éviter des ronces, ou encore dans des pentes à 45 degrés où seul le balisage nous permet de lever le doute sur le fait que, oui, c’est bien ici le chemin. Cela donne un petit goût d’aventure, nous savourons le calme des bois, la solitude et le côté sauvage de ce chemin peu emprunté.
Plus nous redescendons, et plus la chaleur s’abat sur nous. Dur rappel de la canicule qui n’est pas encore tout à fait finie.
Les remparts de Prats-de-Mollo apparaissent soudainement au détour du chemin. La ville médiévale est toujours aussi charmante, sinon plus, en été. Ses rues étroites en vieille pierre, ses discrètes colonnades et sculptures, et les bougainvilliers qui courent sur les façades à la mode de Collioure donne un charme artistique de vacances d’été. Viennent s’y ajouter les échos d’un orchestre jouant sur la place du marché, et le spectacle est complet. Nous nous arrêtons au restaurant le Botaniste, nommé en l’honneur d’un maire de Prats qui était pharmacien, pour déguster notre premier vrai plat de la semaine, accompagné d’un jus de fruit revigorant.
La ville de Prats-de-Mollo (source: wikipédia)
Restaurant Le Botaniste à Prats-de-Mollo (source: tourisme-pyrénéesorientales.org)
A ce moment-là, les deux adjectifs qui nous représentent le mieux sont: pouilleux, mais bienheureux.
A l’origine, notre route devait retourner jusqu’à Amélie-les-Bains en passant de l’autre côté de la vallée, pour remonter à la Torre del Mir, puis Lamanère et St-Laurent-de-Cerdans. Mais en fin de compte, la perspective de crapahuter encore 3 jours sous un soleil de plomb et menacés par les orages ne nous tente guère. Nous avons fait la partie la plus intéressante de notre tour, celle pour laquelle nous avions prévu ce voyage, et une fois notre curiosité satisfaite, nous n’aspirons plus qu’à une bonne douche et un bon lit. Et puis, au pire, « on peut y aller quand on veut » !
Nous finissons donc notre périple en bus, qui nous ramène au bas du Vallespir en moins d’une heure, dans un jeu de lacets. Nous voici rentrés, heureux et fatigués par cette belle aventure à côté de chez nous.
