"Tapi de sapins verdoyants d’un côté, falaise abrupte de l’autre." - Le Canyon d'Ordessa

6ème semaine

Refuge des Oulettes de Gaube -> Montagne de Camplong

  • Progression – 563km 50.8% 50.8%

Kilomètres

Dénivelé + (mètres)

Dénivelé - (mètres)

🗺️ Informations techniques

Ces informations ainsi que les tracés sont donnés à titre indicatif. Nous vous déconseillons de les utiliser tels quels ! Préférez vous référer à une carte de randonnée pour préparer votre voyage.

Jour Date Etape Distance (km) Dénivelé + (m) Dénevelé – (m) Durée (h:min) Distance KME (*)
36 25/07 Refuge des Oulettes de Gaube -> Gavarnie 22,99 1214 1762 5:36 40,4
37 26/07 Gavarnie -> Refuge de la Brèche de Roland 18,51 2161 1071 5:19 43,3
38 27/07 Refuge de la Brèche de Roland -> Port de Boucharo 18,31 1115 1421 5:01 33,7
39 28/07 Port de Boucharo -> Gavarnie 8,14 19 889 1:39 11,0
40 29/07 Gavarnie
41 30/07 Gavarnie -> Cirque de Troumouse 26,1 1838 1079 6:26 47,7
42 31/07 Cirque de Troumouse -> Montagne de Camplong 19,74 1018 1415 4:57 34,2

(*) KME = kilomètre effort  / Notre calcul = distance + (dénivelé positif / 100) + (dénivelé négatif / 333)

dessin myosotis

Lundi 25 juillet – Jour 36

22,99km / 1214m D+ / 1762m D- 🌈

Le soleil se lève au pied du Vignemale. L’herbe est froide et humide, les imposantes montagnes projettent encore leurs longues ombres sur les tentes. Pour rejoindre le refuge depuis notre petit carré de verdure, il faut traverser pieds nus le ruisseau glacé qui m’arrive à mi-mollet. Ça réveille !

La journée s’annonce belle. Nous n’avons plus aucune excuse pour ne pas faire le Vignemale. Il nous reste donc simplement à admettre qu’on est trop fatigués pour ça. Tant pis pour le plus haut sommet des Pyrénées françaises et ses 3298m. Ce sera pour une prochaine aventure.

Notre étape commence par cette ascension procrastinée jusqu’à la Hourquette d’Ossoue. C’est tout de même le point le plus haut du GR10, à 2734m. Une broutille à côté du grand Balaïtous !

Le Vignemale depuis le GR10
Le Vignemale vu depuis le GR10

Arrivés à la hourquette, insatisfaits par le paysage qui reste dissimulé par les cols, on continue de grimper sur le dos du Petit Vignemale, jusqu’à atteindre ses 3030m.

La vue y est imprenable sur les flancs du Vignemale et sur le glacier meurtri d’Ossoue. Il s’agit de la voie normale pour aller jusqu’au sommet, et elle ne vend pas du rêve !

En plissant les yeux, on arrive à voir des alpinistes tentant de trouver leur chemin dans ce labyrinthe de roches et de glace, en évitant les névés dégueulant des litres d’eau par-dessus et par-dessous la neige. Rien à voir avec le glacier blanc et immaculé sur les photos des topos de Mariano, datant d’il y a au moins 10 ans. Ce n’est plus qu’un ersatz de course d’alpi pour randonneur intrépide.

De notre perchoir, on aperçoit aussi le glacier sale et fracturé des Oulettes, sur l’autre face du colosse. Ces visions font mal au cœur. Dire qu’il ne reste que 25% des glaciers Pyrénéens.

Procession de randonneurs sur le gacier d'Ossoue
Procession de randonneurs sur le gacier d’Ossoue
Le glacier d'Ossoue vu depuis le Petit Vignemale
Le glacier d’Ossoue vu depuis le Petit Vignemale (2022)
Florian au sommet du Petit Vignemale, la vallée de Gavarnie dans les nuages
Florian au sommet du Petit Vignemale (3030m), la vallée de Gavarnie dans les nuages

En redescendant du Petit Vignemale, on croise les deux randonneuses avec qui on a fait connaissance la veille au dîner. Elles sont préoccupées par les aller-retours d’un hélicoptère sur une des faces du Vignemale. Des grimpeurs en difficulté peut-être ? Nous scrutons la paroi vertigineuse, la main en visière et l’air grave, sans réussir à apercevoir quoi que ce soit. Nous continuons notre descente.

On atteint le refuge de Bayssellance, où je me figure, toute joyeuse, pouvoir manger une omelette-réconfort (celle que j’attends depuis hier). C’était sans compter qu’à l’heure du repas, évidemment, l’équipe est occupée à déjeuner, et, en sa qualité d’hôte, me sert d’un ton condescendant un formidable « On finit de manger et on te nourrira ».  Hé ho, je suis une grande fille, j’ai ce qu’il faut à manger si je veux ! Blessée dans mon orgueil de randonneuse, nous passons notre chemin.

Un peu en contrebas du refuge, nous découvrons les grottes de Bellevue, creusées à la fin du 19ème siècle par Henry Russell.

Ce montagnard trouvait que c’était la seule façon acceptable de construire des abris pour les humains sans abimer le paysage. Il serait bien en peine de savoir que moins d’une décennie plus tard, on construirait cette espèce d’horrible boite de conserve en guise de refuge un peu au-dessus des grottes. (NB : le refuge de Bayssellance aurait été construit avec sa participation, en réalité).

Après un petit coup d’oeil de rigueur dans les abris, ma foi tout à fait convenable en cas de gros temps, nous poursuivons notre inexorable descente vers la vallée de Gavarnie.

Le sentier nous fait passer à côté de quelques névés tardifs, fendus en gros morceaux plus haut que nous. Leurs parois sont douces et froides. Ils semblent si solides, et pourtant.

Nous suivons le ruissellement des eaux, qui se transforme petit à petit en rivière puis en torrent, avec quelques cascades. Une fois n’est pas coutume, on déjeune vers 16h, les pieds dans l’eau glacée. On ne traîne pas, espérant rejoindre Gavarnie avant le soir et il reste beaucoup de chemin.

Un névé fracturé
Un névé fracturé

Le GR10 devient désert, passé le barrage d’Ossoue. On croise un vieux montagnard qui nous conseille, lui aussi, la Vire des Fleurs en Espagne. C’est déjà prévu sur notre itinéraire, mais on nous en parle tellement que ce serait impossible à manquer.

Les marmottes jouent sur notre chemin. Nous dévorons des buissons de framboises, et on en garde quelques-unes pour ce soir. Elles sont minuscules mais délicieuses.

La cabane de Sausse-dessus sur le GR10
La cabane de Sausse-dessus sur le GR10, désert
framboises sauvages
Notre dessert ! Des framboises sauvages

Pendant ce temps, le temps file et il nous faut avancer. Après un long plat, nous descendons enfin vers Gavarnie. Le monde devient grisâtre autour de nous. On ignore ouvertement le refuge des Granges de Holles (un refuge au bord de la route, n’importe quoi !) pour aller s’installer sur un petit carré d’herbe coincé entre une table de pique-nique, un parking et la départementale – sans doute le plus beau de nos bivouacs (ton ironique) ! Mais c’est un choix stratégique car à cette heure-là, on ne trouverait nulle part où dormir en ville, et le camping de Gavarnie est plein.

On profite de la table de pique-nique, grand luxe et sans ironie cette fois, pour manger notre double ration de nouilles chinoises avec nos petites framboises en dessert. Ravitaillement demain, on peut se permettre de dévorer toutes nos provisions. Et puis hop, au lit dans la grisaille des basses altitudes.

Mardi 26 juillet – Jour 37

18,51km / 2161m D+ / 1071m D-

Réveillés par les premiers camions sur la départementale vers 6h, il ne nous en faut pas plus pour lever le camp aussitôt. On détale au plus vite pour être sûrs de ne déranger personne – et ne se faire déranger par personne. On arrive à Gavarnie pile à l’heure pour faire les courses et on prend un bon petit déj’ au café du coin, en regardant passer les premiers randonneurs. On en compte une soixantaine en l’espace d’une demi-heure. Je prie pour qu’il n’y ait pas trop de monde dans le Cirque. Notre prochaine étape est la Brèche de Roland. Voilà, nous dévions (encore) du GR.

L’échauffement jusqu’à l’hôtellerie du Cirque de Gavarnie est facile, et on se souvient avec joie de cette belle journée de novembre où nous étions venus avec nos amis Ilane et Victor pour visiter. Il faisait alors grand ciel bleu et nous pouvions voir ce gigantesque mur de pierre se rapprocher, nous dominant de toute sa hauteur. Aujourd’hui, le nuage nous cache la vue, on aperçoit par intermittence une trouée dans le ciel dévoilant à une hauteur improbable un morceau de falaise suspendu dans le vide..

Mathilde en route vers le Cirque de Gavarnie
Mathilde en route vers le Cirque de Gavarnie (2022)

 

 

Le Cirque en novembre 2021
Le Cirque enneigé en novembre 2021

Une fois passé l’hôtellerie, on se retrouve seuls. Le cirque a la réputation d’être une vraie usine à touristes… ce qui n’est pas idéal, surtout pour grimper l’échelle des Sarradets. En réalité nous sommes tranquilles, il est tôt et nous nous lançons dans l’ascension à notre rythme.

L’échelle des Sarradets, annoncée un peu technique, est très amusante. Ça monte raide pendant une bonne heure, il faut mettre les mains presque tout le long. La vue est vertigineuse mais ce n’est pas dangereux pour qui a de bonnes chaussures, de la concentration, et un temps adéquat ! Note à moi-même: la prochaine fois, ranger les bâtons.

La cascade dans le Cirque de Gavarnie
La grande cascade du Cirque de Gavarnie

Plus haut, on retrouve des arres, espèce de micmac de cailloux et d’herbes rases. Quelques troupeaux de brebis se tassent dans les recoins d’ombre. A cette hauteur, on est au-dessus du nuage et le soleil tape fort.

Nous arrivons rapidement au refuge des Sarradets. Je peux (enfin !!) déguster mon omelette chérie au fromage accompagnée d’un café et d’un snickers.

Il est tout juste 14h. Comme le bivouac sous toutes ses formes est interdit dans la vallée d’Ordessa, mais que nous avons quand même envie d’aller jusqu’à la brèche dès aujourd’hui, nous établissons notre camp de base au refuge pour faire un aller-retour. On laisse la tente et les affaires superflues sur un spot de bivouac, avant de rejoindre la longue procession de randonneurs qui monte les 300m de dénivelés jusqu’à la brèche de Roland, le trou dans le dentier de la falaise.

La procession de randonneur jusqu'à la brèche de Roland
La procession de randonneur jusqu’à la brèche de Roland

Pas de difficulté notable, ça se fait bien surtout avec un petit sac. Il y a du monde, ils arrivent pour la plupart du Col des Tentes. En partant de là-bas, la brèche est à moins de deux heures de marche.

Il y a un petit névé résistant au milieu de l’ascension, une vraie attraction. La plupart des randonneurs semblent trouver amusant de passer à l’endroit où il y a le plus de neige à traverser, bien que ce soit très glissant.

Nous atteignons enfin la brèche. Les impressionnantes parois nous toisent de part et d’autre à plusieurs mètres de haut. De l’autre côté, les flancs rocheux et chaotiques des montagnes espagnoles se dévoilent dans le soleil éblouissant de l’après-midi.

Un côté de la brèche de Roland
Un côté de la brèche de Roland avec Mathilde devant
Mathilde près du Pas des Isards
Mathilde près du Pas des Isards
La Brèche de Roland
La Brèche de Roland

On poursuit notre ascension vers le casque du Marboré, un « petit » pic de 3006m que nous improvisons pour le plaisir. Nous fusionnons avec un trio de randonneur.se.s qui y grimpent aussi. Le chemin passe par le vertigineux « Pas des Isards », où une main courante permet de surmonter un « sentier » de quelques centimètres de large seulement, qu’il serait tout bonnement impossible de passer autrement.

Le Pas des Isards avec vue sur l'Espagne
Peu après le Pas des Isards, à flanc de falaise, avec vue sur l’Espagne

La fin de l’ascension est un peu scabreuse mais la vue sur la vallée de Gavarnie en vaut la peine, on aperçoit même le Mont Perdu et le Vignemale.

C’est ainsi qu’on valide notre 3ème sommet de plus de 3000m !

Descente en Espagne depuis le Casque du Marbore
Descente scabreuse en Espagne depuis le Casque du Marbore. On voit bien le chemin qui zigzague !
Panorama sur la vallée de Gavarnie depuis le Casque du Marbore
Panorama sur la vallée de Gavarnie depuis le Casque du Marbore (3006m)

Je dévore mes barres de céréales en contemplant le paysage et en discutant avec nos compagnons improvisés. Puis on entame la redescente avec prudence. On croise des grimpeurs qui vont bivouaquer au sommet, avec tout leur barda de cordes qui doit peser une tonne. Ils vont bien s’amuser, c’est sûr.

Arrivés à la brèche, nos chemins se séparent. Flo a encore de l’énergie pour aller grimper en haut du Taillon tandis que je retourne au refuge pour monter la tente et faire un peu de lessive en profitant des derniers rayons du soleil. Je trempe mes petits pieds meurtris dans la bassine d’eau, en dégustant un fondant au chocolat du refuge, un délice.

illustration myosotis et aster

Florian est de retour alors que je galère à faire tenir les sardines de la tente : le sol est inutilisable, c’est du rocher partout, donc il faut les coincer entre les cailloux pour tendre la toile. Il arrive tant bien que mal à les caler.

Ascension de Florian sur le Taillon (3144m)
Ascension de Florian sur le Taillon (3144m)
Flo a réussi à monter la tente, à peu près
Flo a réussi à monter la tente, à peu près, à côté du refuge des Sarradets

La nuit qui s’ensuit est terrible : à chaque coup de vent on craint de voir la tente s’envoler. Il nous faut sortir de temps à autre pour remettre en place les sardines qui se glissent hors de leur étau de caillou. Malgré la fatigue, notre cerveau reste en alerte toute la nuit.

Mercredi 27 juillet – Jour 38

18,31km / 1115m D+ / 1421m D- 🌈 

Nous nous levons avec les premières lueurs de l’aube. Enfin, on ne peut pas tellement parler de réveil puisqu’on n’a pas vraiment dormi. La tête dans le gaz, on remballe tout machinalement. Visiblement, au refuge, l’ambiance était naze cette nuit. Dans les vestiaires, alors que j’attends pour les toilettes, tout le monde ronchonne.

Nous voilà repartis pour la brèche, et cette fois nous nous enfonçons de l’autre côté en terrain espagnol. Direction la Vire des Fleurs, tant miroitée. Cela fait des mois qu’on nous en parle. Je n’ai pas regardé de photos sur internet pour ne pas me spoiler, je ne sais donc pas trop à quoi m’attendre.

On se rend vite compte que ce doit être une promenade de « connaisseurs » : pas de sentiers, quelques cairns, aucun panneau. On traverse un espèce d’immense lac complètement sec, avec pour seule indication un petit cairn au loin, et la direction générale qu’on doit prendre avec notre trace gpx.

On désescalade un bout de falaise et on se retrouve dans des arres paumatoires et délirantes, où des cairns nous indiquent les meilleurs endroits pour traverser les nombreuses crevasses.

On croise des marmottes, je suis sûre qu’elles se moquent de nous, perdus dans ce paysage labyrinthique.

Au milieu du lac asséché. Belle vue sur la Brèche et le Casque du Marbore
Au milieu du lac asséché. Belle vue sur la Brèche et le Casque du Marbore

Après moult efforts, on débarque sur la vire avec excitation. Petit sentier étroit longeant la falaise, à 1000m au-dessus du fabuleux Canyon d’Ordessa. Tapis de sapins verdoyants d’un côté, falaise abrupte de l’autre. Subjugués par le paysage à 360 degrés, couronné d’un ciel bleu immaculé, nous faisons une pause déjeuner presque les pieds dans le vide, comme aspirés par la formidable profondeur du canyon.

Pause déjeuner face au Canyon d'Ordessa
Pause déjeuner face au Canyon d’Ordessa, encore un peu caché derrière le rebord.

La traversée de la vire est de 3 km. 3 km d’un spectacle permanent, où chaque virage donne une vue différente sur le canyon, toujours plus vertigineux. Nous croisons de façon improbable les deux randonneuses avec qui nous avions discuté quelques jours plus tôt au pied du Petit Vignemale. Elles arrivent de l’autre sens, et nous déclament la suite de notre rando (« Mais si, vous allez passer par Escuzana ») avec tant de panache que nous transformons cette phrase en gimmick de notre voyage.

« Tapis de sapins verdoyants d’un côté, falaise abrupte de l’autre. » – Le Canyon d’Ordessa

Difficile de décrire cette journée sans vouloir y mettre beaucoup de photos… Mais toutes les photos du monde ne sauraient retranscrire l’impression de majestuosité, et à quel point on se sent petit sur ce rebord haut perché.

Des randonneurs sur la Vire des Fleurs
Des randonneurs sur la Vire des Fleurs

Florian sur la Vire des Fleurs
Florian sur la Vire des Fleurs
Un isard sur le plateau de Salarons
Un isard sur le plateau de Salarons

Nous quittons la Vire à regret pour trouver notre chemin du retour, à travers le plateau herbeux de Salarons, jonché d’isards curieux, avant de remonter en hors-sentier jusqu’au col de Mondarruego. Flo escalade le pic du même nom tandis que je repose un peu mes pieds endoloris.

On découvre ensuite le clou du spectacle, la fameuse vire d’Escuzana. Plus pentue et aussi impressionnante que celle des Fleurs, elle nous fait naviguer dans les replis de la montagne, parfois au bord du vide, parfois dans d’étroits passages sous des tonnes de roche. En chemin, on remplit nos gourdes bien vides sous une cascade avec l’aide ingénieuse de la bassine et quelques acrobaties.

Vue sur les montagnes torturées d'Espagne
Vue sur les montagnes torturées d’Espagne depuis le Pic de Mondarruego (2875m)
On navigue dans les replis de la falaise sur la vire d'Escuzana
On navigue dans les replis de la falaise sur la vire d’Escuzana

En route pour la dernière étape, le Port de Boucharo qui semble encore bien loin. Nous devons escalader une barre rocheuse avant de l’atteindre.

Soulagement immense à l’arrivée au Port de Boucharo. Il est 19h30 et on est épuisés. On décide de s’arrêter là malgré qu’on soit à la stricte limite du Parc National (et donc le bivouac est interdit).

Le paysage est superbe. Le spot est parfait pour la nuit.

J’interpelle des randonneurs qui retournent à leur voiture au col des Tentes, à deux pas, pour leur quémander un peu d’eau supplémentaire dont ils n’auraient plus besoin. Ainsi on peut cuisiner en ayant toujours de l’eau pour la nuit. Ils nous en offre avec plaisir et nous souhaitent bon apéro.

Ça se voit que Mathilde en a marre ?
Ça se voit que Mathilde en a marre ?

Au Port de Boucharo, on a une superbe vue sur le versant espagnol et sur le versant français. Le contraste entre les sentiers des deux pays est saisissant. En France, c’est presque une route, bien balisée, sur laquelle passent de nombreux promeneurs du soir. Côté espagnol, on devine à peine le sentier par lequel nous sommes arrivés, et hormis deux randonneurs tardifs, il n’y a personne.

Bivouac au Port de Boucharo
Bivouac au Port de Boucharo
En résumé, la Vire des Fleurs partie 1
En résumé, la Vire des Fleurs partie 1
En résumé, la Vire des Fleurs partie 2
En résumé, la Vire des Fleurs partie 2
En résumé, la Vire d'Escuzana
En résumé, la Vire d’Escuzana

Jeudi 28 juillet – Jour 39

8,14km / 19m D+ / 889m D-

La nuit est un peu venteuse, mais avec les sardines bien plantées, on est bien moins anxieux. Retour matinal à Gavarnie. J’ai hâte de revenir à la civilisation pour me reposer peu, et surtout aller aux toilettes ! Notre chemin nous fait passer par le plateau de Bellevue. Il porte très bien son nom car la vue sur le Cirque est magistrale.

Le Cirque de Gavarnie depuis le plateau de Bellevue
Le Cirque de Gavarnie depuis le plateau de Bellevue

On arrive assez tôt pour prendre notre petit déjeuner en ville. On dévore des fruits et des viennoiseries à pleine dents, comme si nous n’avions pas mangé depuis une semaine. On file ensuite à la poste pour récupérer un nouveau colis en poste restante, et renvoyer à maman les crampons qui n’ont pas servi et ne serviront pas.

On se met en quête d’un hôtel pour les deux prochaines nuits. Ce soir et demain, de l’orage est prévu, on préfère être bien au sec. On dégote par chance une chambre à l’hôtel Le Compostelle. On est en pleine saison, c’était improbable.

Comme tout bon jour de repos rime avec resto, on déguste de délicieux burgers à midi chez « Stef et Cédric ».

Après-midi tranquille avec balade en ville, écriture de cartes postales, et une bonne douche. On prend notre repas du soir à l’Antre Potes, où j’ai pu manger de délicieuses lasagnes végétariennes. On a une super vue sur le gave et le Cirque, et un aperçu du jardin botanique. C’est apaisant.

Il y a un spectacle qui se joue dans le Cirque ce soir, Roméo et Juliette. Ça promet d’être grandiose dans ce décor, mais la fatigue est plus grande et la pluie menace.

Un bon burger pour se remettre d'aplomb
Un bon burger pour se remettre d’aplomb

Vendredi 29 juillet – Jour 40

Repos

Gros orage, pluie et grêle ce matin. On y assiste bien au chaud sous la couette. J’ai du sommeil en retard visiblement, c’est Flo qui me réveille à 11h avec des viennoiseries. Je ne l’ai même pas entendu sortir. J’ai bien dormi (trop dormi) et je suis complètement dans le gaz. Avec un café et une bonne pizza (myrtille, chèvre et pomme, miam) à midi, ça va mieux.

Après-midi chill, balade, sieste.

Dîner : fondue aux cèpes, miam. Demain c’est reparti.

On réfléchit à écourter quelques étapes. Faire des allers-retours c’est bien sympa mais on a envie d’avancer dans la traversée et il reste encore beaucoup de kilomètres. Se dire qu’on est revenu au même point qu’il y a 4 jours, c’est un peu pesant pour le moral, même si ça en valait largement la peine.

Samedi 30 juillet – Jour 41

26,1km / 1838m D+ / 1079m D-

Difficile pour moi de quitter les draps doux et chauds de l’hôtel ce matin. Levés à 7h et départ 7h30 dans la brume. On ne va pas bien loin : on doit s’arrêter à Casino pour acheter du PQ et changer nos bouteilles d’eau. Après 40 jours de service, elles sont bien usées. On a déjà en tête de modifier l’itinéraire prévu aujourd’hui. On va aller jusqu’au cirque d’Estaubé et ainsi gagner une journée.

On plie l’ascension jusqu’au refuge des Espuguettes en une heure et quart. Des ânes se font bronzer au soleil, et des Anglais HRPistes se font des tartines au beurre de cacahuète. Je salive dessus même si jamais de la vie je ne me promènerai avec un pot en verre de beurre de cacahuètes, c’est trop lourd !

On continue de monter jusqu’à la hourquette d’Alans. Une fois au-dessus des nuages, il fait beau et chaud.

De l’autre côté de la hourquette nous attend un autre nuage. On arrive tout de même à distinguer la petite cascade mignonne d’Ailhet où nous avions prévu de bivouaquer, mais nous traçons notre route. Exit aussi le refuge de Tuquerouye, qu’on aurait bien aimé voir pour sa localisation improbable dans la brèche du même nom. Mais on est samedi et c’est un lieu prisé des randonneurs qui veulent faire l’ascension du Mont Perdu donc probablement blindé de monde ce soir.

La Brèche de Roland vue depuis le refuge des Espuguettes
La Brèche de Roland vue depuis le refuge des Espuguettes

Le cirque d’Estaubé peine à nous impressionner. Il faut dire qu’après le Canyon d’Ordessa, le reste devient un peu fade. On redescend petit à petit, il y a de plus en plus de monde sur le chemin.

On replonge dans le nuage, encore. Un peu avant le lac des Gloriettes, on remonte vers le cirque de Troumouse. On croise quelques buissons de framboises qui nous font prendre un peu de retard. Petit arrêt en chemin à l’auberge du Maillet pour prendre des forces avec une crêpe au nutella. Ça se voit qu’on est en pleine saison estivale, le parking et la terrasse sont bien pleins.

C’est fou comme plus le temps passe, et plus on se rend compte que la montagne est complètement domptée par l’homme. Rare sont les lacs d’altitude qui ne sont pas des barrages, et il y a des refuges partout, partout.

En route vers le cirque de Troumouse
En route vers le cirque de Troumouse

On poursuit notre ascension vers le cirque de Troumouse dans un paysage fantomatique, enveloppé de brume. On fait un petit tour du cirque, en passant par la Vierge et sa cabane.

Sous le coup de la fatigue, je me prends les pieds dans un caillou et m’éclate la tronche par terre. Heureusement, il y a plus de peur que de mal et je me relève toute tremblante. Deux randonneurs qui passaient par là accourent pour voir si tout va bien. Ils ont l’air de nous prendre pour des newbies, probablement sans réaliser qu’on marche depuis presque 10h. Et depuis bientôt 1 mois et demi accessoirement… J’ai eu l’impression que ça vexait un peu Florian ! Moi j’ai ma théorie : on a des sacs trop petits pour être pris au sérieux en tant que trekkeurs.

A la cabane des Airs, on croise un groupe de gens qui galèrent avec leur tente. La cabane est rikiki et pleine. Nous continuons, en quête d’un bivouac proche d’une source car nous sommes à sec. Les rivières ou le lac ne sont pas très attrayants car le cirque est occupé par de nombreuses vaches. Et on a vu un cadavre de veau mort tout près d’une mare… Bonjour la diarrhée.

On finit par trouver notre bonheur, une petite source jaillissante entre deux touffes d’herbes. Nous remplissons les gourdes. Flo plante la tente non loin tandis que je prépare le dîner. On mange en speed, en claquant un peu des dents, avant de se glisser avec joie sous les duvets. En guise de dessert, on grignote quelques framboises mises de côtés.

Mathilde prise en flagrant délit de bâillement
Mathilde prise en flagrant délit de bâillement

Je suis complètement éclatée mais on a bien avancé aujourd’hui : deux étapes et demie !

Dimanche 31 juillet – Jour 42

19,74km / 1018m D+ / 1415m D-

Nuit pas très reposante, j’ai eu mal aux genoux et le sommeil très léger.

On a remballé la tente pile avant 9h, parc naturel oblige, sous l’œil discret mais attentif du berger, oups. Ensuite on a un peu traîné en mangeant nos céréales et quelques framboises sauvages de la veille. Le temps s’est levé et nous pouvons enfin contempler l’immense cirque de Troumouse et ses 11 km de diamètre.

Panorama du Cirque de Troumouse
Panorama du Cirque de Troumouse

On repart à l’assaut des chemins en restant à flanc de montagne, pour éviter de devoir redescendre pour remonter une énième fois, visitant ainsi des troupeaux de brebis un peu farouches. La journée s’annonce belle et chaude, avec un risque d’orages ce soir.

Avant d’entamer l’ascension vers la hourquette de Héas, quelques 800m de dénivelé plus haut, Flo me propose de couper le chemin. Bornée et refusant de constater mon état de fatigue, je persiste dans notre trajet initial, ne voulant pas être la cause d’un détournement et passer pour une « doudouille fragile ». 400m plus haut, je regrette amèrement. L’ascension est longue et pénible, l’eau se fait rare et le soleil frappe durement. Dans un demi-sanglot, je propose de faire demi-tour, mais cette fois c’est Flo qui s’obstine et je n’ai pas la force d’affronter ma bêtise.

On continue donc jusqu’à la hourquette, à 2600m d’altitude, où on s’arrête pour manger et constater qu’il ne nous reste presque plus d’eau, et que la prochaine source est à au moins deux heures de marche. Si on veut terminer notre étape, il nous reste 400m de dénivelé positif et une descente de 2000m de dénivelé, autant dire un calvaire.

On finit par renoncer, dépités d’être monté jusque-là pour rien ou presque. On redescend par là où nous sommes arrivés. Je suis tout de même rassurée de savoir qu’on se dirige avec certitude vers de l’eau.

Sieste bien méritée à la hourquette de Héas
Sieste bien méritée à la hourquette de Héas

Une fois les pieds dans la rivière, quelques centaines de mètres plus bas, on se sent tout de suite beaucoup mieux. C’est fou comme l’avenir paraît sombre et le soleil un ennemi terrible quand on a soif.

Après avoir rempli nos bouteilles d’eau, on entame la dernière partie de notre trajet. Pour éviter la départementale jusqu’à Gèdre, on décide de passer par la montagne de Camplong, via un petit sentier indiqué sur les cartes IGN. C’était sans savoir ce qui nous attendait…

La fameuse montagne de Camplong
La fameuse montagne de Camplong

Après quelques kilomètres à s’orienter sur les sentes de vaches qui déchiquètent le paysage, nous plongeons dans un champ de framboisiers qui nous vole une heure de notre temps, avant de poursuivre sur des sentes de plus en plus rares et abruptes. Méfiants, on pousse la recherche jusqu’à déboucher sur des bâtiments désaffectés d’une ancienne conduite d’eau forcée, donnant sur le vide.

Il est 18h et nous sommes épuisés. De gros nuages menacent à l’horizon. Après quelques hésitations, et malgré la frustration de voir la ville non loin, nous décidons de nous arrêter ici et de monter le camp. Le terrain est tout bosselé et bien bétonné mais on finit par trouver un endroit moins pire que les autres. On dîne au bord de la dalle de béton, les pieds dans le vide. La vue est belle.

D'un côté des bâtiments désaffectés
D’un côté des bâtiments désaffectés
De l'autre côté, le vide, avec un village en contrebas
De l’autre côté, le vide, avec un village en contrebas

Dès que la fraîcheur de la nuit commence à se faire sentir, nous filons sans se faire prier sous la tente. Sous mon matelas, une grosse bosse de terre. La nuit ne va pas être agréable… !

– Fin de la 6ème semaine –

🏕️ Continuer l’aventure

Fond montagne dessin

La prochaine semaine nous emmène (entre autre) à Néouvielle, un des plus beaux parc du GR10, aux paysages magnifiques mais qui se méritent quand on y vient à pied !

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