Ascension du Pic de Cézy avec le Jean-Pierre en fond

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Merci à papa pour ses relectures attentives et à Flo, qui a pris presque toutes les photos de cette semaine !

4ème semaine

Refuge d’Arrémoulit -> Arrens-Marsous

  • Progression – 387km 34% 34%

Kilomètres

Dénivelé + (mètres)

Dénivelé - (mètres)

🗺️ Informations techniques

Ces informations ainsi que les tracés sont donnés à titre indicatif. Nous vous déconseillons de les utiliser tels quels ! Préférez vous référer à une carte de randonnée pour préparer votre voyage.

Jour Date Etape Distance (km) Dénivelé + (m) Dénevelé – (m) Durée (h:min) Distance KME (*)
22 11/07 Refuge d’Arrémoulit -> Lurien 14,77 1613 1111 4:12 34,2
23 12/07 Lurien -> Laruns 4,77 49 890 1:20 7,9
24 13/07 Laruns 0 0 0 0 0
25 14/07 Laruns 0 0 0 0 0
26 15/07 Laruns -> quelque part entre la cabane de cézy et la hourquette d’Arre 23,26 1874 728 6:04 44,2
27 16/07 ? -> Cabane d’Arre 7,93 1031 237 2:14 19,0
28 17/07 Cabane d’Arre -> Arrens-Marsous 22,89 924 2359 5:47 39,2

(*) KME = kilomètre effort  / Notre calcul = distance + (dénivelé positif / 100) + (dénivelé négatif / 333)

dessin myosotis

Lundi 11 juillet – Jour 22 – Le Palas et Le Lurien

14,77km / 1613m D+ / 1111m D-

 Le réveil sonne à 7h moins le quart, après une nuit sous tente pas comme les autres, dans le grand marabout du reguge d’Arrémoulit. Ce fut une nuit un peu fraiche malgré les deux couvertures, mais bon rien d’insurmontable.

Petit déj’ bien copieux au refuge avant de démarrer la randonnée un peu avant 8h. Aujourd’hui nous partons donc escalader les 2974m du Pic Palas ! C’est notre deuxième sommet non-prévu après l’Arriel. Encore une fois, on va se guider essentiellement avec le topo, même si on a bricolé une petite trace GPX avec l’appli Garmin Connect pour nous aider. Au programme, une ascension raide et une longue arête finale en escalade côté II. Ça promet !

topo palas
Topo pour l’ascension du Palas partie 1
topo du palas
Topo pour l’ascension du Palas partie 2

Encore une magnifique journée qui s’annonce. Il fait frais dans l’ombre des montagnes et hormis quelques marmottes, nous ne croisons personne sur le chemin. Les cairns guident nos pas, l’ascension commence à travers les pierriers assez facilement. On croise le lac du Palas, duquel sort un enfilage de tuyaux qui alimente le refuge en eau potable. Vaut mieux ne pas uriner là!

vallée d'ossau
Le soleil se lève sur la Vallée d’Ossau
Un petit lac au pied de la brèche des Géodésiens
Un petit lac au pied de la brèche des Géodésiens

On atteint avec excitation la partie sérieuse : la brèche des Géodésiens. Il faut très rapidement mettre les mains, et plus on monte, plus l’ascension se fait vertigineuse. Le vide se déploie de toute part. Quelques passages TTTM (Tu Tombes Tu Meurs) nous barrent la route mais les prises ne manquent pas et nous ne nous départissons jamais de notre calme. Flo affronte avec aisance son vertige, tandis que je passe à quatre pattes dans les endroits qui sont trop effrayants, surtout une fois arrivés sur la crête des Géodésiens.

La dernière crête avant le sommet est incroyablement haute et très impressionnante. En s’approchant, on dirait qu’elle se dresse presque à la verticale. Nous restons calme, un pas après l’autre, une prise après l’autre, et nous nous hissons sans mal jusqu’au sommet.

La crête des Géodésiens
La crête des Géodésiens (Trouvez Mathilde !)

En haut, la vue est grisante, autant que les sensations que nous ont procuré cette escalade si particulière. Nous dévorons nos barres de céréales en contemplant le paysage qui resplendit à nos pieds. Nous avons une petite pensée émue en regardant derrière nous le Balaïtous et sa Grande Diagonale. Y-a-il quelqu’un qui regarde par ici en ce moment, depuis le sommet ?

Nous entamons sans tarder la descente. Je miroite une bonne omelette en rentrant au refuge.

Le Pic du Midi de Bigorre, avec son antenne caractéristique
Le Pic du Midi de Bigorre, avec son antenne caractéristique
Florian au sommet du Palas
Florian au sommet du Palas, avec le Pic du Midi d’Ossau sur la droite

Pour redescendre, un chemin mi terreux mi-caillouteux très escarpé nous mène jusqu’à la cheminée Ledormeur. S’ensuit une séance de désescalade interminable. Ce n’est pas très difficle, mais passer plusieurs dizaines de minutes à regarder entre ses jambes pour trouver les prises, ça me donne le tournis.

cheminée ledormeur
Quand Mathilde traîne dans les cheminées, Florian prend des photos.

 

Florian en bas de la cheminée
Florian en bas de la cheminée

Le reste de la boucle nous fait dévaler un pierrier et traverser un petit névé tardif. Finalement l’ascension ne s’est pas révélée si physique que ça, mais nous a demandé beaucoup d’attention. C’était 5h de randonnée avec la jauge de concentration au maximum.

A peine arrivés, nous nous précipitons dans les cuisines du refuge, c’est encore l’heure du service de midi mais tout juste.

La vidéo de l’ascension !

Tandis que nous remplissons nos estomacs, Florian et moi réfléchissons à la suite de notre périple. Nous arrivons au fond du sac de provision, 6 jours ont passé depuis que nous avons quitté Borce avec le ravito envoyé par maman en poste restante. Il va falloir rejoindre la civilisation rapidement. Mais il nous reste encore un sommet à faire pour compléter notre tour d’Arrémoulit : le Lurien.

Inspirés par le récit de Raphaël, nous décidons d’aller bivouaquer au sommet. Le temps est idéal pour une nuit à la belle étoile, et ainsi nous pourrons redescendre dès le lendemain matin dans la vallée. Nous sachant en galère de bouffe, deux autres randonneurs nous ont gentiment donné quelques provisions supplémentaires dont ils n’avaient pas l’utilité. Nous les remercions du fond du cœur.

C’est avec un petit pincement au cœur que nous quittons le beau refuge d’Arrémoulit et ses chaleureux gardiens. Vincent nous donne rendez-vous au refuge des Estagnous au pied du Mont Valier, en Ariège, dans un mois. Et c’est parti, nous nous dirigeons vers le Lurien et ses 2826m. Il est 17h, quelques 1000m de dénivelé nous attendent, heureusement nos estomacs sont bien pleins et il fait beau.

La fin d’après-midi est bien chaude malgré l’altitude. Nous attirons l’œil à quitter le refuge à une heure aussi tardive. « Pourquoi vous ne passez pas le col d’Arrémoulit pour rejoindre l’Espagne et reprendre par le col de la Fâche ? » nous demande-t-on. « Et bien… on n’a plus rien à manger. Et puis ce serait trop rapide ! » répondons-nous joyeusement. Ça nous ferait gagner au moins une semaine de passer par là, mais ça nous ferait manquer le lac d’Estaing, le Grand Barbat, Cauterets… bref, une grosse partie des Hautes-Pyrénées. Au lieu de ça, on retourne en arrière pour reprendre le GR10 presque là où on l’a laissé, vers Gabas.

En route vers le col du Lurien, on se retrouve encore sur les traces de nos nous du passé. Passé le lac d’Artouste et sa gare, on se retrouve seuls. On croise quelques marmottes curieuses, dont une qui prend son dîner au milieu des fleurs. A plusieurs endroits, on est surpris d’avoir su trouver notre chemin dans la neige, car même en plein été ce n’est pas évident partout.

 

Petite pause au col du Lurien. Il est 19h et je me demande où je vais puiser la force pour finir cette ascension. La perspective d’un beau coucher de soleil nous encourage.

Nos nous du passés près du lac d'Artouste, l'année dernière
Florian du passé, près du lac d’Artouste, en novembre 2021

La montée est un cauchemar pour moi : ce n’est qu’une suite de pentes raides de terre et de cailloux qui roulent sous les pieds, avec des petits passages d’escalade sur des cailloux instables. J’arrive sur la crête sommitale pantelante et en larmes, avançant uniquement grâce aux encouragements de Florian. Il est 20h30 quand nous arrivons enfin au sommet, le soulagement est immense. Je pleure en retirant mes chaussures, mes pieds sont si douloureux, tout le dessous me gratte terriblement. Il me faut quelques minutes pour reprendre mes esprits et cesser de me frotter frénétiquement la corne des pieds.

Arrivée au sommet du Lurien !
Arrivée au sommet du Lurien !
Repos au sommet du Lurien
Repos au sommet du Lurien

Nos derniers paquets de nouilles instantanées finissent à la popotte. Notre niveau d’eau est aussi critique que notre niveau de nourriture, il nous reste moins de 2L pour passer la nuit et redescendre jusqu’à Artouste. On consomme systématiquement un litre d’eau pendant la nuit, il va falloir être parcimonieux.

Le soleil couchant nous offre un superbe spectacle qui compense bien toutes les peines que nous nous sommes données pour arriver là : les montagnes sont vaporeuses, comme peintes à l’aquarelle avec des teintes plus ou moins foncées suivant leur éloignement. Derrière nous leurs pentes escarpées se parent de rose et de gris.

Coucher de soleil depuis le Lurien
Coucher de soleil depuis le sommet du Lurien
On est bien installé !
On est bien installé !
Bivouac au sommet du Lurien
Bivouac au sommet du Lurien

Le soleil finit par disparaître en embrasant une dernière fois le ciel, et aussitôt le froid commence à se faire sentir. On se glisse dans nos duvets qui s’imprègnent déjà d’humidité, et on regarde les étoiles s’allumer timidement une à une dans le ciel.

La lune est très brillante et ce n’est qu’au milieu de la nuit qu’on pourra enfin voir la voie lactée et des myriades d’étoiles (seulement, à ce moment je n’avais plus mes lunettes, c’était tout flou !). Malgré nos angoisses de sac de couchage mouillé, on n’a pas eu froid du tout, au contraire. Je me suis battue avec mon duvet pour enlever ma polaire en pleine nuit. Ça ne m’a pas empêché de mal dormir, mais au moins je n’ai pas eu froid (ma terreur).

Coucher de soleil sur le Pic du Midi d'Ossau depuis le sommet du Lurien
Coucher de soleil sur le Pic du Midi d’Ossau depuis le sommet du Lurien

Mardi 12 juillet – Jour 23

4,77km / 49m D+ / 890m D-

Réveil tranquille au sommet du Lurien. Le soleil apparaît tôt. Pas beaucoup dormi donc un peu dans les vapes. Je passe des minutes entières à regarder béatement le paysage. Les montagnes n’ont pas bougé depuis hier, elles sont toujours là, à se donner en spectacle dans le petit matin. On mange nos dernières craquottes avec le petit pot de confiture à l’abricot qu’on nous a donné hier. Flo bronze à poil au soleil. Deux randonneurs nous trouvent là, encore à moitié dans les sacs de couchage. Le temps qu’on remballe nos affaires et ils étaient déjà loin en bas.

Petit déjeuner au sommet du Lurien
Petit déjeuner au sommet du Lurien
Divagations matinales devant un superbe panorama
Divagations matinales devant un superbe panorama

La descente est moins pénible que la montée mais je ne fais quand même pas la fière. Je déteste les éboulis ! Notre réserve d’eau s’amenuise rapidement, nous arrivons avec soulagement à la gare du petit train d’Artouste, deux heures plus tard, la bouche sèche. ­­­­

L’ambiance est radicalement différente de notre douce nuitée seuls au sommet de notre petit monde.

Des hordes de touristes se traînent péniblement sur les marches qui montent de la gare vers le barrage du lac d’Artouste. Nous fendons la masse tels des anguilles et par chance nous pouvons monter dans le premier train qui part. Le trajet est long mais cela fait des semaines qu’on n’a pas avancé aussi vite sans efforts ! Le paysage est joli, c’est différent de l’appréhender depuis un moyen de transport. Les rails sont parfois très proches du vide, c’est impressionnant. Arrivés à la station, affamés, nous nous précipitons dans le premier snack prenant la carte bleue pour engloutir paninis, frites, gaufres, crêpes, glaces. Que c’est réconfortant !! Le ventre plein, fatigués, c’est difficile de décider quoi faire ensuite. Guidés par mon épuisement généralisé, on décide d’aller prendre quelques jours de repos à Laruns, un peu plus bas dans la vallée. Malgré les grandes vacances, on réussit à se dénicher un lit.

La journée se finit tranquillement à manger une pizza et boire une bière sur la place du village de Laruns. Et ôôôô quelle joie que de pouvoir prendre enfin une douche et s’affaler dans un bon lit tout propre ! Cela fait une semaine que nous n’avons plus goûté à ce luxe.

illustration myosotis et aster

Mercredi 13 juillet – Jour 24

Repos

Journée chill et grasse matinée. Je crois que je pourrais dormir une semaine entière, si mes genoux n’étaient pas si douloureux.

On se fait un brunch copieux de brioches, œufs, fruits, jus, corn flakes, miam ! Entre deux repas, séance « envoi de news » à la famille et aux amis. On fait les courses pour les prochaines étapes.

Le soir, resto de crêpes bretonnes, le même auquel on s’était arrêté en novembre dernier après notre périple à Arrémoulit.

Petite séance de jacuzzi nocture avant d’aller faire un bon gros dodo. Ce confort est irréel.

Déjeuner-goûter-apéro au gîte de Laruns
Déjeuner-goûter-apéro au gîte de Laruns

Jeudi 14 juillet – Jour 25

Repos

On décide de rester une journée de plus à Laruns pour pouvoir reprendre encore un peu des forces, et assister au feu d’artifice du 14 juillet.

Nous profitons de la fraîcheur de la maison aux épais murs de pierre. Étalés dans le canapé, on prévoit la suite de notre aventure, et on mange tant qu’on peut. J’essaye de remplir le trou sans fin de mon estomac à l’aide de snickers glacés et de nectarines.

Petit tour dans le jacuzzi du gîte. La gérante vient en même temps accueillir de nouveaux arrivants. J’ai l’impression qu’elle nous regarde de travers comme une maman toisant ses enfants qui restent à l’intérieur sur leurs téléphones alors qu’il fait grand soleil dehors. Autant dire que je n’ai aucun scrupule à rester vautrer dans le canapé, aujourd’hui !

Heureusement, nos colocataires sont bien plus aimables. Sur notre conseil, deux d’entre eux sont allés jusqu’au refuge d’Arrémoulit et sont ravis de la balade.

Après le dîner, on assiste à un petit concert aux Halles de Laruns puis au feu d’artifice. Il est déjà tard on ne traîne pas à rentrer, il nous faut partir tôt demain.

Vendredi 15 juillet – Jour 26 – Pic de Cézy

23,26km / 1874m D+ / 728m D-

Un peu dur de se lever ce matin ! Petit déj à 6h et départ à 7h après avoir salué nos colocataires matinaux. Katie semble s’être prise d’affection pour nous. La pauvre s’est cassé le bras juste avant les vacances, elle ne peut pas en profiter autant qu’elle voudrait. Le hasard fait qu’elle a grandi près de ma ville d’enfance.

La balade est tranquille jusqu’à Eaux-Bonnes, dans la fraîcheur des sous-bois. Puis nous quittons la ville pour nous enfoncer dans la montagne. Encore une belle journée qui s’annonce ! On ne met pas longtemps avant de se mettre à suer, et les terribles mouches-qui-croquent en profitent pour venir à l’assaut. L’un des conseils pour s’en débarrasser était : ne pas perdre son calme. Difficile à faire !

Heureusement en arrivant dans les prairies d’altitude, elles finissent par se disperser. Nous faisons une petite pause au col de Gourzy et Flo s’endort presque aussitôt pour une petite sieste improvisée. Moi j’ai du mal à dormir en journée, alors après avoir somnolé quelques minutes, j’écris, et je regarde les vaches brouter.

On mange quelques kilomètres plus loin, au pied du Pic du Cézy . Pas un arbre pour faire de l’ombre ici, il fait vraiment chaud et notre niveau d’eau baisse vite malgré nos 5L du départ. On n’a pas croisé la moindre source depuis des heures et il nous reste un demi-litre.

Petite sieste au col de Gourzy.
Petite sieste au col de Gourzy.

Infatiguable, Flo lorgne sur le Pic du Cézy, à 200m au-dessus de nos têtes.

Je sais que je vais le regretter mais je le suis dans son ascension, malgré la fatigue de la journée. Mon corps rouspète contre ce que je lui fais subir, et dans les éboulis je peine à garder mon calme. J’ai l’impression d’avoir déjà cramé toute l’énergie accumulée pendant nos deux jours de repos.

La vue au sommet se mérite, avec ses quelques pas d’escalade. Le paysage est fantastique. Des rapaces font leur ronde dans le ciel, et mon cerveau embrumé imagine qu’ils attendent que nos corps tombent dans le vide et se fracassent sur les rochers. Au loin, on voit encore le Pic du Midi d’Ossau. Comme ce doit être frustrant pour les GRdistes de tourner autour si longtemps sans jamais le gravir !

Ascension du Pic de Cézy avec le Jean-Pierre en fond
Ascension du Pic de Cézy (2209m) avec le Jean-Pierre en fond
La crête précédant le Pic de Cézy. Le chemin n'est pas évident jusqu'ici !
Le chemin n’est pas évident pour arriver jusqu’ici … !

On redescend du pic et on récupère nos sacs déposés sous les seuls buissons des environs. Presque plus d’eau. Ça m’inquiète. On continue notre descente jusqu’à la cabane de Cézy où nous trouvons une fontaine… bien gardée derrière une clôture électrique. Dégoûtés de cette privatisation, la gorge sèche, nous n’avons d’autres choix que de continuer à avancer. Le paysage semble aussi cramé que nous : l’herbe est jaune et le soleil brûle.

Le Pic de Cézy (2209m)
Le Pic de Cézy (2209m)

On finit par rejoindre le GR10, après plus d’une semaine de divagations. Alors que nous étions seuls depuis ce matin, on se remet aussitôt à croiser des randonneurs. On ne les connaît plus, bien sûr.

On entame ce qui devait être notre étape du lendemain en espérant trouver de l’eau. Sans eau, pas de repas, et une nuit peu agréable en perspective. La lassitude nous gagne. Le paysage est beau mais la chaleur et la soif pèsent sur notre moral. Le chemin rocailleux à flanc de falaise offre peu de rafraichissement. Je me demande combien de temps il nous faudrait pour mourir de soif par temps de canicule et en faisant des efforts intenses.

Puis soudain, ô soulagement, nous apercevons un peu plus loin une portion de roche bien plus sombre et luisante que le reste : une source qui se fraye un chemin à travers la pierre ! Nous nous précipitons dessus et aussitôt on sort le filtre et on remplit consciencieusement nos bouteilles et notre estomac, riants et soulagés. L’avenir nous apparaît tout de suite plus radieux, la montagne plus belle.

Les sacs plus lourds mais le cœur plus léger nous continuons notre chemin le long de l’abrupte falaise. Un improbable spot de bivouac se dévoile subitement au milieu des fougères et il ne nous en faut pas plus pour nous installer là. Il est presque 19h30, toutes ces émotions nous ont bien fatigués !

Et puis il faut encore monter la tente, manger, et essayer de détendre un peu nos muscles endoloris !

Notre petit coin de paradis pour la soirée, sur le GR10 en direction de la hourquette d’Arre
Notre petit coin de paradis pour la soirée, sur le GR10 en direction de la hourquette d’Arre. On voit le Palas tout au fond.
illustration myosotis et aster

Samedi 16 juillet – Jour 27

7,93km / 1031m D+ / 237m D-

Réveil un peu tardif, la journée de la veille nous a bien fatigué. On prend notre petit dej’ au soleil en regardant passer les autres randonneurs et leurs gros sacs à dos, avant de se mettre en route pour la hourquette d’Arre.

Journée de canicule comme hier. Première petite pause au bord d’un ruisseau pour se tremper les pieds et remplir les bouteilles. Là on fait la connaissance de Anna et Ju, 18 et 16 ans, qui font leur premier trek sur une semaine. Trop mignons ! Anna a de grosses ampoules aux pieds et Florian l’aide à se soigner avec fil, aiguille et compeed de rigueur. Ils étaient presque à court d’eau et bien content de remplir leurs… thermos. On reste les yeux écarquillés devant les monstres de métal. Si lourds !! Ils nous avouent qu’ils pensaient que c’était une bonne idée pour garder l’eau au frais, mais n’en sont plus si sûrs maintenant qu’il faut les porter. On leur conseille vivement les bonnes vieilles bouteilles d’eau en plastique. Même chaude, de l’eau, ça hydrate.

On déjeune un peu plus haut, à l’ombre du cavage d’une ancienne mine de fer. L’ascension traîne en longueur, la montée finale est rude et Flo part devant pour crapahuter en haut de la Geougue d’Arre (2619m). Je suis rincée en arrivant en haut et j’attends sagement Flo au col pour ménager mes forces. Il fait beau et chaud. La vue est jolie sur la vallée mais je ressens une petite pointe de frustration qui me donnerait envie de m’élever encore un peu plus si je n’étais pas si fatiguée.

 

Joubarbe des montagnes
Joubarbe des montagnes
Vu sur le secteur Gourette depuis la Geougue d'Arre
Vue depuis la Geougue d’Arre

Après cette petite digression, on reprend le GR. La cabane d’Arre se dresse toute mignonne sur notre chemin, spartiate mais très propre et confortable, avec des bas-flancs en bois et des tabourets. Il n’est pas très tard, mais on n’a pas envie de redescendre jusqu’à Gourette, station de ski touristique, donc on s’installe dans la cabane pour la nuit.

On profite de la fin d’après-midi pour aller se baigner dans un lac un peu plus bas. Il n’est pas très profond et le fond est tout vaseux, mais l’eau est presque chaude ! Il y a plein de petits têtards qui viennent nous grignoter les orteils. Il n’y a personne aux alentours alors on peut se baigner tout nus. Petite lessive de rigueur puis on remonte pour manger. On se paye même le luxe d’installer les tabourets dehors pour se faire une table avec vue sur la montagne, c’était super. Au lit vers 21h30.

diner face à la montagne
Dîner à la cabane d’Arre avec vue sur les montagnes

Dimanche 17 juillet – Jour 28 – Passage en Haute-Pyrénées

22,89km / 924m D+ / 2359m D-

Réveil prévu à 5h30 mais on s’extirpe des duvets vers 6h. On commence la journée par aller voir le soleil se lever au Pic d’Anglas puis on repasse à la cabane prendre les sacs à dos. On sort une nouvelle fois des sentiers battus du GR10 aujourd’hui, et on descend vers le col d’Uzious où quelques campeurs posés au bord d’un lac se réveillent doucement.

Levé de soleil sur le col d'Uzious
Levé de soleil sur le col d’Uzious
Quelques chevaux qui paissent tranquillement au col d'Uzious
Quelques chevaux qui paissent tranquillement au col d’Uzious

Les hostilités commencent avec le Pic Sanctus (2482m). La vue y est belle, il ne fait pas encore trop chaud. La montée est raide et j’ai rapidement l’impression d’être à bout de force alors que Flo trottine devant comme un isard.

J’ai du mal à comprendre pourquoi j’ai tant de mal à suivre son rythme. De nous deux, c’est moi la plus sportive en temps normal, mais là son endurance me laisse sans voix. Par moment, je trouve ça injuste : on mange pareil, on fait les mêmes trajets (et moi un peu moins…) et pourtant je suis dans un état de décrépitude bien plus avancé. Un peu plus de gras sur les fesses ne me feraient pas de mal pour ce genre d’exercice. Pour une fois que c’est moi qui envie le métabolisme de Florian.

Ascension du pic Sanctus (2482m), Mathilde en chie sévère
Ascension du pic Sanctus (2482m), Mathilde en bave sévèrement
La longue crête jusqu'au Pic de Louesque
La longue crête jusqu’au Pic de Louesque (2554m)

On parcourt la crête qui mène au Pic de Louesque (2554m). Pour éviter d’escalader un gros gendarme qui me donne le tournis juste à le regarder, j’essaye de faire le tour en suivant un espagnol qui a l’air de savoir où il va. Erreur ! Je finis par le perdre de vue, et je perds aussi Flo. Je me retrouve à galérer sur une pente archi-raide d’éboulis et de touffes d’herbes sans savoir où aller. La panique me gagne, les larmes me montent aux yeux tandis que je me débats pour rejoindre la crête sommitale à la recherche de Flo, en gémissant son nom comme une enfant.

Finalement, c’est lui qui vient me chercher, et pour m’aider à monter il me prend mon sac. Je m’étrangle avec ma fierté et le rejoins au sommet. La vue est belle mais je n’arrive pas à profiter, mon cœur bat la chamade. Le chemin de la Crête des Taillades est vertigineux, avec du vide des deux côtés, et j’ai l’impression que je vais tomber à chaque pas. Mon sac semble peser une tonne sur mes épaules et il m’aspire vers le vide.

A mi-chemin du Grand Gabizos, j’abandonne.

La trouille et mes larmes m’épuisent autant que des centaines de mètres de dénivelé, entraînant un cercle vicieux. Fatigue, trouille, fatigue, trouille. Je reste sur un bout de caillou tandis que Flo continue son ascension en me laissant son sac jusqu’au sommet du Grand Gabizos. Je mange, je bois un peu. J’essaye de me reposer tout en gardant un œil sur la progression de Flo au loin. Il lui faut à peine plus d’une demi-heure pour effectuer l’aller-retour, ce dont j’aurais été franchement incapable. Nous faisons demi-tour et  empruntons un autre chemin plus long que prévu jusqu’à Arrens-Marsous, mais je suis soulagée de descendre.

Mathilde qui avance en pleurant de trouille sur la Crête des Taillades
Mathilde qui avance en pleurant de trouille sur la Crête des Taillades
Au sommet du Grand Gabizos
Au sommet du Grand Gabizos (2692m)
Vous voyez Florian sur le dos du Grand Gabizos ?
Vous voyez Florian sur la crête ?

C’est bien long de rejoindre Arrens, la descente n’en finit pas, et encore une fois on manque d’eau. Heureusement, à mi-chemin, une cabane garnie d’une fontaine nous permet de remplir nos bouteilles. Soulagés et réhydratés, nous nous endormons comme des masses sur un petit talus quelques mètres plus loin. La déshydratation pèse sur nos organismes. Après une petite demi-heure de repos, nous reprenons notre chemin. Plus on descend et plus je sens la chaleur étouffante me monter à la tête.

Nous arrivons au camping d’Arrens quelques heures plus tard, les pieds douloureux. Après avoir monté la tente, et pour se réconforter de cette journée éprouvante, nous allons manger dans un petit resto bien sympathique, l’Isard Perché. Je prends une grosse assiette de légumes, ça fait longtemps ! Miam ! Florian déguste une spécialité locale, du porc noir de Bigorre. Il discute avec quelques personnes qui travaillent dans un restaurant près de Cauteret, « La Ferme Basque ». Ils nous ont proposé de venir prendre l’apéro quand on passerait par là.

Repus et épuisés, nous retournons au camping où nous attend une bonne douche.

Après concertation, nous resterons ici demain. La canicule devrait bientôt atteindre son apogée, autant rester au repos.

dessin myosotis

– Fin de la 4ème semaine –

🏕️ Continuer l’aventure

Fond montagne dessin

Avec la prochaine semaine, nous entrons en plein dans la saison touristique. Les paysages deviennent de plus en plus beaux, et les chemins de plus en plus fréquentés ! Heureusement, nous savons où aller pour nous retrouver seuls au monde, au moins le temps d’une nuit.

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1 commentaire

  1. Coucou ma fille!
    Toujours autant de plaisir à te lire. Même si tu m’as mis en difficulté plusieurs fois avec l’accord des participes passés (par exemple « les peines que nous sommes données »…)
    Mais rien à voir avec ce que tu sembles avoir enduré! Ma pauvre enfant! Pourquoi s’infliger des larmes de souffrance ??? Mon coeur de père en est tout retourné en te lisant!
    Bon pour l’orthographe rien à dire, bravo!
    J’ai toutefois pris la liberté de changer quelques mots que j’ai trouvé inappropriés : « uriner » au lieu de « pisser », et Mathilde en » bave » plutôt qu’elle en « chie », c’est quand-même plus joli !
    Un passage que je n’ai pas compris: « En route vers le col du Lurien, on se retrouve encore sur les traces de nos nous du passé. » Le « nos nous » me laisse pantois sans que je sache quoi mettre à la place?
    Je te fais de gros bisous !

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