9ème semaine

Maison du Valier -> Étang de la Pradella

  • Progression – 919km 83% 83%

Kilomètres

Dénivelé + (mètres)

Dénivelé - (mètres)

🗺️ Informations techniques

Ces informations ainsi que les tracés sont donnés à titre indicatif. Nous vous déconseillons de les utiliser tels quels ! Préférez vous référer à une carte de randonnée pour préparer votre voyage.

 

Jour Date Etape Distance (km) Dénivelé + (m) Dénevelé – (m) Durée (h:min) Distance KME (*)
57 15/08 Maison du Valier -> Seix 27,27 1320 1769 6:14 45,8
58 16/08 Seix -> Aulus-Les-Bains 25,85 1261 1064 6:01 41,7
59 17/08 Aulus-Les-Bains -> Siguer 32,59 1538 1545 7:47 52,6
60 18/08 Siguer -> Jasse de Sirbal 11,54 1254 655 3:21 26,0
61 19/08 Jasse de Sirbal -> Cabane de Mourgouillou 32,46 2407 2093 8:46 62,8
62 20/08 Cabane de Mourgouillou -> Mérens-les-Vals 6,41 95 597 1:20 9,2
63 21/08 Mérens-les-Vals -> Etang de la Pradella 27,58 2017 1218 6:56 51,4

(*) KME = kilomètre effort  / Notre calcul = distance + (dénivelé positif / 100) + (dénivelé négatif / 333)

dessin myosotis

Lundi 15 aout- Jour 57

27,27km / 1320m D+ / 1769m D-

Lever vers 6h du matin, la journée commence avec de belles tartines de nutella, de confitures et un bol de céréales. Ça devrait me donner l’énergie nécessaire pour les 1000 premiers mètres de dénivelé de la journée.

Nous nous mettons en route sans trop tarder. La randonnée commence dans la pénombre et la fraîcheur des arbres. Nous passons à côté de la zone de bivouac qui commence doucement à s’animer.

Le sol terreux ne tarde pas à prendre de l’inclinaison sous nos pas. On retire les vestes avant d’avoir chaud. La forêt est agréable, les premiers rayons de soleil percent à travers le feuillage. Nos membres engourdis se réchauffent peu à peu et les douleurs récurrentes de nos muscles s’assourdissent tandis que nous prenons notre rythme de croisière. Nous suivons une rivière jalonnée de cascades aux reflets étincelants.

Nos corps commencent à être habitués aux rudes montées de l’Ariège. Le pas posé et régulier, j’enclenche dans ma tête la petite cassette du professeur de yoga : « Inspirer, expirer. Inspirer, expirer. » Un pas devant l’autre.

Je passe mon cerveau sur off et laisse mes pas me guider. J’écoute mon souffle et les sensations de mon corps. Mes pensées voguent au gré du paysage.

randonneuse dans la foret passant devant une cascade
« Nous suivons une rivière jalonnée de cascades aux reflets étincelants. « 

La forêt laisse doucement place à des hautes herbes. Nous atteignons le Cap des Lausses en deux heures, ce qui est un record pour nous. Deux heures pour 1000m de dénivelé ! D’habitude c’est plus de l’ordre de 2h30 / 3h.

Nous laissons le Mont Valier reste derrière nous, discrètement. On ne l’on n’aura même pas aperçu. Ce n’est pas si grave, il restera là encore longtemps après nous. Nous reviendrons.

Long sentier le long de la montagne au dessus de la Maison du Valier
Long sentier le long de la montagne au dessus de la Maison du Valier

Une telle ascension ne me laisse jamais intacte. Le contrecoup de l’effort me tombe dessus, la fatigue avec. Mes pieds s’emmêlent. Pour ne pas trop me plaindre, je grignote une barre de céréales tandis que nous descendons jusqu’à l’étang d’Ayes.

Le soleil et la superbe couleur de l’eau du lac m’attirent. Après un petit plongeon dans les eaux émeraudes, je saisis l’occasion pour laver mon pantalon et mon tee-shirt, chose rare ces derniers temps. Pendant que ça sèche, je rejoins Florian qui mange un morceau. Il ne s’est pas baigné et m’attend plus ou moins impatiemment. J’enfile rapidement mes vêtements qui finiront de sécher sur moi, et on se remet en route.

Lac de montagne couleur emeraude
Magnifique lac d’Ayes niché au creux des montagnes

Direction le col de la Core, bien connu des cyclistes. Nous croisons quelques GRdistes que Flo reconnaît mais pour moi, impossible de me rappeler leurs noms ou leurs visages. Tout va si vite.

Arrivés au col, nous profitons d’une petite pause rafraîchissante sous le parasol d’un snack. Le gérant est un gars du coin, qui nous régale de fruits, de glaces fraîches, de soda, mais aussi d’histoires locales et des dernières nouvelles. D’ailleurs, il y a un marché nocture ce soir à Seix, raison de plus pour y aller !

Nous reprenons la route avec un peu plus d’énergie. Quelques kilomètres plus loin, à Esbintz, un petit hameau essentiellement composé d’un gîte, nous sommes accueillis par un gentil monsieur comme si nous nous connaissions depuis toujours, le temps d’un goûter. Une autre randonneuse est de passage à ce moment-là, elle ne paraît pas très en forme. L’Ariège est éprouvante pour tout le monde.

Une longue départementale déserte nous conduit ensuite jusqu’à Seix. Le béton rend les pas durs et les genoux souffrent. Flo se tord la cheville douloureusement une fois, deux fois, mais il serre les dents et continue… Sa douleur me fait oublier un peu la mienne.

illustration myosotis et aster

Seix est une ville bien mignonne, avec un petit centre-ville animé. On y fait les courses et on cherche, en vain, un hôtel, prêts à dépenser quelques sous pour récupérer un peu d’énergie. Mais 15 août oblige, tout est complet. Nous nous rabattons vers le camping, à quelques centaines de mètres de la ville. Ce sont toujours ces derniers mètres qui sont assommants.

Alors que nous approchons du camping et que nous relâchons un peu la pression, riant de nos péripéties et de notre ténacité, Florian se tord de nouveau violemment la cheville dans une rigole sur le trottoir. Plus têtu qu’une mule, grimaçant et boitant méchamment, il poursuit difficilement, jusqu’à s’affaler au camping.

Cette journée était interminable.

Après avoir monté le camp, nous nous glissons jusqu’à la rivière qui passe à côté du camping. De nombreux cairns se dressent au milieu de l’eau, ambiance zen. La rivière est glacée, ça fait du bien à la cheville de Florian. Nous nous reposons jusqu’à ce que nos estomacs se mettent à gargouiller de concert, nous ramenant en ville pour profiter du marché nocturne.

 

illustration aquarelle randonneurs les pieds dans l'eau d'une rivière
Florian et Mathilde au bord du ruisseau longeant le camping de Seix, les pieds dans dans l’eau glacé pour soulager les douleurs

Le centre-ville grouille de stands divers, nourritures ou bijoux artisanaux, savons, décorations. L’ambiance est à la fête et les guirlandes s’allument tandis que le soleil se couche.

Autour de délicieuses crêpes de sarrasins, nous faisons la connaissance d’Angie, la randonneuse d’Esbintz. Elle a l’air plus en forme après un bon repas ! Elle est venue d’Écosse, pleine de motivation, pour faire le GR10 d’une traite.

« C’est moi qui ai choisi d’être ici. Même si c’est dur, je ne vois pas pourquoi j’abandonnerais. Je suis là ou j’ai envie d’être. » nous dit-elle avec son charmant accent anglais, alors que nous échangeons sur nos difficultés. Je suis admirative de sa force de caractère. Nous rentrons ensemble au camping, où elle monte sa tente à la frontale. Nous sombrons tous rapidement dans les bras de Morphée.

Mardi 16 août- Jour 58

25,85km / 1261m D+ / 1064m D-

Alors que l’aube pointe, j’entends Angie se lever et démonter sa tente. Nous ne sommes pas si courageux aujourd’hui et nous restons pelotonnés dans la chaleur de notre duvet.

Quelques heures plus tard, après un bon petit déjeuner sur la place de Seix, nous pouvons commencer à avancer. Nous partons un peu inquiets, car le distributeur de billets de la ville était en panne, nous laissant avec quelques euros en poche dans une région où la CB n’est pas toujours acceptée… nous croisons les doigts pour que ça ne nous cause pas de soucis plus tard.

Grimaces d'un matin
Grimaces d’un matin
Photo souvenir au camping de Seix
Photo souvenir au camping de Seix

Au lieu de poursuivre sur le GR10 qui fait un aller-retour au fond de la vallée, nous passons par le GRP pour aller jusqu’à St-Lizier d’Ustou. Peut-être même irons-nous jusqu’à Aulus-Les-Bains.

Le trajet sur le GRP est plutôt agréable. Les sous-bois sont tapissés de feuilles mortes, on se croirait en automne. A flanc de colline, on a une belle vue sur les montagnes en face. C’est si calme, on ne croise presque personne.

Malgré notre petit déjeuner copieux et le départ tardif, je me sens fatiguée. J’ai du mal à avancer aussi vite que je voudrais.

Les fougères brûlées par le soleil
Les fougères brûlées par le soleil, sur le GRP entre Seix et Aulus-les-Bains

à Nous poursuivons courageusement  jusqu’à St-Lizier, traversons les villages et nous nous retrouvons déjà remonter vers Aulus par un petit chemin dans les sous-bois. La pluie se met à tomber. Le sol est glissant. Il faut être vigilant à ne pas zipper sur les pierres. Le sous-bois moussu à des allures de forêt digne d’un Ghibli sous la pluie.

GNous redescendons à Aulus par un chemin de VTT terriblement escarpé et tout boueux à cause de la pluie. A force de glissades, on arrive en bas, et le soleil est là pour nous accueillir en sortant des bois. La ville est toute proche. Je zieute sur Google Maps et, miracle, je nous dégote une chambre dans un petit hôtel !

Après des courses express au casino, juste avant que ça ferme, nous regagnons l’hôtel pour profiter de sa petite cuisine.

Nous discutons agréablement avec les autres vacanciers, autour de nos dîners respectifs, en partageant une bière. Ils nous racontent leurs randonnées dans le coin, les lacs, le Mont Valier.

Lorsque nous parlons de notre épopée, ils sont fascinés. Comme souvent, on nous dit qu’on a de la chance de pouvoir partir si longtemps.

On essaye de nuancer: ce n’est pas seulement de la chance, on l’a délibérément provoquée en quittant nos jobs.

On cherche une autre vie que celle qu’on construit autour de 5 semaines de congés payés.

Le gîte-hôtel d'Aulus
Bienvenue au charmant gîte-hôtel d’Aulus

Mercredi 17 aout – Jour 59

32,59km / 1538m D+ / 1545m D-

Tôt le matin, nous quittons un peu à regret cet hôtel paisible et ses chambres confortables, pour reprendre notre routine.

Nous traversons la ville déserte à cette heure, et commençons la longue ascension du premier col. Jusque-là, pas grand monde.

Et puis on croise un parking desservi par une départementale, où tous les gens sains d’esprits viennent en voiture, pour achever en notre douce compagnie les derniers kilomètres jusqu’au col. Aujourd’hui ils sont peu nombreux, à venir dans la brume glacée.

Nous franchissons le col, pour redescendre jusqu’à trouver un refuge, près d’un lac généralement.

Superbe graphiti à Aulus
Superbe graphiti à Aulus

Aujourd’hui c’est le refuge de Bassiès. Nous l’atteignons vers midi, dans un ciel gris et humide. Nous mangeons notre casse-croûte emmitouflés dans nos manteaux en regardant passer des randonneurs et leurs chiens. C’est calme.

Les étangs de Bassiès
Les étangs de Bassiès

Nous traversons le plateau des étangs de Bassiès, le long de différents lacs plus ou moins vides du fait de travaux sur les barrages.

Un hélicoptère fait des allers-retours au-dessus de nos têtes pour transporter du matériel sur le chantier. C’est incroyable de regarder la vitesse à laquelle il décharge ses colis. On a bien essayé l’hélico-stop mais sans succès, on ne peut compter que sur nos pieds pour descendre. Le sentier est bien escarpé et la descente est terriblement longue. Rapidement, j’ai les genoux en compote et les pieds moulus.

Nous quittons le GR10 (encore) pour rejoindre directement vers Auzat, plutôt que de racler encore les fonds de vallée par Mounicou. Mais la ville n’est qu’une étape, après une petite pause au café et un ravitaillement à la supérette, fatigués mais déterminés, nous continuons vers Siguer. Il est 18h passé. 

illustration myosotis et aster

Le sentier navigue en sous-bois, à plat près d’un ruisseau. Le trajet est calme. Nous bifurquons sur une  petite route pour remonter jusqu’à Siguer. Il se met à pleuvioter, le jour tombe. Mes nerfs commencent à lâcher. Florian aussi est fatigué. Nous marchons comme des zombies, le cerveau en off, avalant automatiquement les derniers kilomètres de la journée.

Une voiture s’arrête à notre hauteur sur la route déserte. Le conducteur nous propose gentiment de nous déposer au village. Difficile de refuser, il est presque 20h et nous sommes épuisés.

A Siguer, il y a un gîte communal ouvert à tous et gratuit. Seulement, vu l’heure, nous nous faisons assez peu d’illusions sur le fait qu’il reste de la place. Et effectivement, le gîte est plein.

Une randonneuse ridée en train de se brosser les dents nous accueille sèchement avec un « C’est complet » alors que nous jetons un oeil curieux dans le dortoir. Il semblerait qu’elle n’ait pas bien compris le principe de refuge… 

Heureusement nous nous dégotons une petite place pour la tente dans l’arrière-cour. En quelques minutes, notre petite maison bleue pousse au milieu des herbes.

Dans un étroit couloir abrité de la pluie, nous dégustons nos doubles portions de nouilles chinoises.

Un autre randonneur, venant de Banyuls lui, nous fait la conversation. Je suis trop fatiguée pour arriver à aligner deux phrases mais j’apprécie d’écouter ce qu’il nous raconte de son périple. Apparemment il a eu moins de chance que nous avec la météo. Il vient de passer deux semaines sous la pluie. Franchement, je n’arrive pas à savoir si j’aurais tenu le coup à sa place. Ça fout un sacré coup au moral, la pluie en continue.

La fatigue. Dîner dans un bout de couloir à Siguer
La fatigue. Dîner dans un bout de couloir à Siguer

La nuit tombe et une fois les popottes vides, on se glisse au dodo. 32km dans les pattes. Moi qui aie chaque jour l’impression d’être au bout de mes forces et de ma vie, je suis sidérée d’arriver encore à faire de telles journées.

Jeudi 18 aout – Jour 60

11,54km / 1254m D+ / 655m D-

Nous laissons le soleil nous réveiller ce matin. La journée d’hier a été sacrément éprouvante et nous avons besoin d’un peu de repos. On sort de la tente vers 9h. Remballage des affaires et petit déj assis dans un abri-bus sur la place du village.

Il n’y a pas d’épicerie dans le village, mais une habitante propose un système extrêmement commode : un accès à son garage dans lequel elle entrepose du ravitaillement pour les randonneurs. On se sert et on lui laisse l’argent correspondant à ce qu’on a pris.

Avec l’essentiel, à savoir le PQ, savon et saucisson pour Flo, on se régale avec une canette de soda et un yaourt que nous dégustons tranquillement à l’extérieur.

Nous ne sommes pas vraiment pressés de partir, mais vers 11h il faut tout de même mettre les voiles.

Le rouleau de PQ qui sauve
Le rouleau de PQ qui sauve

Nous démarrons la journée par notre traditionnelle ascension. Il ne fait pas très beau aujourd’hui et nous finissons engloutis dans un nuage. La fatigue et le mauvais temps ne font pas bon ménage. On grimpe péniblement jusqu’au Pla de Montcamp, tout enveloppé, de grisaille, duquel nous redescendons aussi sec. Peu après, des trombes d’eau commencent à nous tomber dessus. Complètement exposés, sur un plateau battu par la pluie et le vent, nous n’avons d’autre choix que de marcher. On se retrouve rapidement trempés et grelottants. Le sol est tout boueux sous nos pieds.

En contrebas Seuillac et Siguer d’où nous sommes parti le matin.
Peu avant la pluie. En contrebas Seuillac et Siguer d’où nous sommes parti le matin.

Nous scrutons les alentours en espérant trouver un abri. Nous sommes vannés, mais ce n’est même pas la peine de penser à s’arrêter : on gèlerait sur place en deux secondes.

Heureusement nous finissons par tomber sur une toute petite cabane ouverte aux randonneurs ! Nous nous réfugions à l’intérieur avec reconnaissance et après avoir bien barricadé la porte pour que l’air ne passe pas, nous nous débarrassons de nos manteaux détrempés et de nos tee-shirts pour enfiler la polaire qui est restée bien sèche et bien chaude.

Une fois n’est pas coutume, nous préparons une soupe pour ce midi. Nous sommes tellement gelés qu’il nous faut quelque chose de chaud pour nous remonter le moral. Nos stocks de nourriture diminuent à vue d’œil et le prochain ravito est dans deux jours, il faut être vigilant.

Dehors, le déluge se calme peu à peu. Le déjeuner nous a rendu un peu de force. J’aurais bien dormi là mais Flo me motive à avancer encore un peu. On passe à côté de la cabane de Balledreyt où nous apercevons des visiteurs, mais comme nous sommes d’humeur plutôt asociale, on continue notre chemin sans s’arrêter jusqu’à la Jasse de Sirbal, une petite rivière coincée entre les montagnes. Nous y remplissons nos bouteilles d’eau. La pluie s’est calmée et nous pouvons profiter de quelques rayons de soleil. La rivière est complètement encaissée entre les montagnes, la fenêtre météo visible dans le ciel est d’approximativement 10 minutes, alors on savoure.

Il est 17h et je suis épuisée, donc quand Florian me propose qu’on reste là pour la nuit, je ne me fais pas prier ! On monte la tente, on met les pieds dans l’eau, on mange. Ça fait du bien de prendre un peu de repos. D’ailleurs la fatigue ne tarde pas à s’abattre sur nous, et lorsque le soleil se couche nous sommes déjà endormis depuis longtemps.

Bivouac à la Jasse de Sirbal
Bivouac à la Jasse de Sirbal
Les orteils de Florian prennent l'air
Les orteils de Florian prennent l’air

Vendredi 19 aout – Jour 61

32,46km / 2407m D+ / 2093m D- 🌈

Réveil tôt ce matin, la journée promet d’être longue et difficile. Aussi fou que cela puisse paraître, on va essayer d’aller jusqu’à Mérens Les Vals aujourd’hui, à plus de 35km.

Bien que le jour soit levé, on part à la frontale car les sous-bois sont encore très sombres.  L’ambiance est mystique.

Nous passons en vitesse à côté de la cabane de Clarans. Nombre de randonneurs remballent leur tente ou mangent. Visiblement c’était bien animé ici. Nous nous réjouissons de notre bivouac au bord de la rivière, bien plus sauvage et calme.

Un peu plus loin nous croisons une randonneuse dont le visage ridé me rappelle quelque chose. On échange quelques mots, elle nous reconnait et visiblement elle a l’air d’avoir très envie de discuter. Dans notre lancée, nous ne ralentissons pas et après avoir essayé de nous suivre quelques minutes, elle abandonne avec un faible « Bonne journée, à plus tard ».

Petit pont dans la forêt à proximité de la cabane de Clarans
Petit pont dans la forêt à proximité de la cabane de Clarans

Quelques temps plus tard, Florian réussit à se rappeler d’où nous venait son visage : c’est celle qui nous a accueilli froidement à Siguer dans le gîte « complet » ! Elle avait troqué son ton sec contre une discussion mielleuse… peut-être qu’elle ne s’attendait pas à ce qu’on soit si efficace en marchant ?

La montée est longue jusqu’à Angaka. Le lieu est vendu comme un « petit village nordique ». Alors quelle surprise lorsque nous quittons notre petit sentier entre les arbres pour débouler sur d’immenses pistes forestières, desservant un centre commercial en construction. En fait, c’est une véritable station de ski. Ça ne donne pas envie de s’arrêter…

Jolie vue sur les montagnes en face de nous pendant l'ascension vers les plateaux de Beille
Jolie vue sur les montagnes en face de nous pendant l’ascension vers les plateaux de Beille

Les plateaux de Beille nous attendent. Nous savons depuis longtemps que cette journée sera dure, avec plus de 2000m de dénivelé, alors nous y allons avec notre force tranquille. Cela fait déjà au moins trois heures qu’on marche sans s’arrêter. Mon pied est douloureux. J’arrive à sentir précisément l’endroit qui me fait mal. On dirait un nerf extrêmement tiré entre l’avant-dernier petit orteil et la plante du pied. A moins que ce ne soit l’os ? J’observe ma douleur avec curiosité, et j’avance.

Après plusieurs jours en Ariège, nous étions un peu restés sur notre faim en matière de paysage de montagne. Ici, la montagne Ariégeoise se révèle dans toute sa splendeur. Les plateaux sont une curiosité : la montagne fait ici le dos rond et les plateaux s’enchaînent les uns derrières les autres comme des bosses siamoises. En second plan, des falaises escarpées nous invitent à venir jouer avec elles. Mais ce n’est pas par là. Nous montons jusqu’au « Prat Moll ».

Vue depuis les plateaux de Beille
Vue depuis les plateaux de Beille

Sur l’ascension finale nous croisons une petite mamie. Elle m’interpelle et je ne me souviens que de sa dernière phrase :  « que du plaisir hein ! ». Je grommelle, le ventre creux et les pieds en compote. Elle n’a pas marché cinq heures sans s’arrêter, elle.

Par moment, j’ai l’impression que la fatigue et l’orgueil me rendent complètement aigrie, chaque contact social en dehors de notre petite bulle avec Flo me hérisse les poils.

Enfin au Prat Moll, je m’affale sur le sol, épuisée. Il faut que je mange. Ça fait au moins deux heures que mon estomac crie famine. Je me jette sur le pain et le fromage.

Pause contemplation au sommet
Pause contemplation au sommet du Prat Moll
Panorama plateaux de beille et crête des Isards
Panorama plateaux de Beille et crête des Isards

Un compagnon randonneur et son chien nous rejoignent au sommet. Ce n’est pas la première fois qu’on se croise, on échange quelques mots sympathiques. Nous repartons tous sans tarder, pour ne pas se laisser rattraper par nos collègues randonneurs qui arrivent.

Pour aller jusqu’au refuge du Rhule, il faut passer par la crête des Isards. Une petite arche nous ouvre le chemin, imperturbablement coincée entre deux rochers. Le sentier est un peu vertigineux et la flore très belle. C’est un moment fantastique jusqu’à ce que Florian se torde la cheville, encore, le pauvre. Dois-je préciser que ça ne l’a pas empêché de continuer ?

Mathilde sur la crête des Isards
Mathilde sur la crête des Isards
Petite arche impromptue sur la crête des Isards
Petite arche impromptue sur la crête des Isards

Petite pause au refuge du Ruhle où nous retrouvons le randonneur avec son chien. On discute en mangeant des crêpes (dévorant serait plus approprié). Il nous apprend qu’il voyage à pied depuis deux ans déjà et qu’il sillonne la France de long en large, en sandales, avec son chien. Il a fait deux fois Compostelle aussi. Je ne peux pas m’empêcher me demander ce qu’il recherche.

Le refuge semble être le point de chute de pas mal de gens. Des tentes fleurissent tout autour. Il est tout juste 16h. Avec des crêpes dans le bidon et un massage de pieds, nous avons assez de courage pour continuer. J’essaye de ne pas paniquer en voyant ce qu’il nous reste à faire pour aller à Mérens-les-Vals. Avançons, on verra bien jusqu’où on va.

Nous repartons. Le ciel est menaçant au loin mais il semblerait que l’on va échapper à l’orage. Il a fait beau toute la journée pour notre plus grand plaisir.

Le paysage qui nous accompagne pendant la descente est superbe. La vallée se déroule devant nous, complètement découverte à notre hauteur et se recouvrant peu à peu de sapins.

La fatigue et le soir qui tombe finissent par avoir raison de nous. A la cabane de Mourgouillou, nous décidons de nous arrêter. La petite cabane est déjà occupée mais les abords de la rivière en contrebas sont propices au bivouac. Les berges sont bien plates, l’herbe est rase, les montagnes rocheuses culminent tout autour pour nous créer un petit cirque calme et magnifique.

L'étang Bleu après le refuge du Rhule
L’étang Bleu après le refuge du Rhule

Nous traversons la rivière en sautant de caillou en caillou pour aller planter la tente sur un petit plateau herbeux au pied de l’épaisse forêt. Les arbres bourdonnent d’abeilles. Le soleil ne tarde pas à disparaître derrière les sommets, nous plongeant dans une douce et fraîche pénombre. Le glouglou du ruisseau et les cris des animaux sont nos seuls compagnons.

Peu après, l’odeur des nouilles instantanées nous chatouille les narines. Ce soir, nous dévorons le reste de nos réserves. Si le ravitaillement est fermé demain, ce sera la catastrophe. Impossible de vérifier les horaires, il n’y a pas de réseau. Rien ne sert de s’inquiéter maintenant, reprenons plutôt des forces.

Samedi 20 août – Jour 62

6,41km / 95m D+ / 597m D-

Petite journée aujourd’hui, et heureusement car celle d’hier fut la plus dure de notre périple ! 32km et 2400m de dénivelé, ce n’est pas rien. Nous sommes étonnés de n’être pas trop fourbus. Dès que nos muscles chauffent, les courbatures disparaissent.

Nous dévalons les quelques 600m de dénivelé jusqu’à Mérens dans des sous-bois nous protégeant des rayons du soleil. Il nous faut un peu moins de deux heures pour arriver en ville. Hier, ça aurait été les deux heures de trop… et nous aurions manqué un superbe bivouac.

Notre soulagement est palpable lorsque nous découvrons que le bar-épicerie de la gare est bel et bien ouvert et adéquatement garni ! On commence par une session de courses, avant de se poser à une petite table avec un bon petit déjeuner. La tension retombe peu à peu maintenant que nous avons refait le plein. Si ça avait été fermé, nos choix auraient été limités: attendre deux jours la réouverture, aller plus loin jusqu’à trouver du ravitaillement en se serrant la ceinture, faire un détour… c’est bien plus simple comme ça.

Le petit-déjeuner pris, j’encourage Florian à ce que nous accordions un peu de repos. Nous remontons la petite ville tranquille jusqu’au gîte d’étape et auberge du Nabre où nous passerons la nuit en dortoir.

L’adorable tenancière nous laisse profiter des commodités. Toutes les conditions sont réunies pour pouvoir faire notre premier lavage complet depuis… oh, quelques jours. C’est un peu technique vu que nous n’avons pas du tout de vêtements de rechange. Nous lançons une machine à laver en mode ultra-rapide tandis que nous prenons une douche bien chaude. Aussitôt sortis de la douche, à moitié enveloppés dans nos serviettes microfibre (qui font à peu près la taille d’un torchon), on récupère nos affaires dans la machine et on va s’allonger tout habillés et tout mouillés sur la pelouse du grand jardin, pour se faire sécher au soleil, tous propres.

Nous déjeunons et passons l’après-midi dans le jardin de l’auberge. Entre deux siestes et deux goûters, je répare le bas de mon sac qui s’est beaucoup abimé au niveau des arceaux dans le dos. Des trous se sont formés à force de frottement, que je comble avec de la bande collante prévue initialement pour la tente. Ça a l’air de tenir, assez pour finir la rando.

L'intérieur du sac à dos de Mathilde, il a bien morflé
L’intérieur du sac à dos de Mathilde, il a bien souffert
C'est l'heure du goûter à Mérens les Vals
C’est l’heure du goûter à Mérens les Vals

e dortoir du gîte est original, c’est une immense grange restaurée sur trois étages où les lits sont disséminés un peu partout. Nous nous retrouvons au dernier étage, les lattes du plancher sont un peu écartées alors il faut bien faire attention à ne rien faire tomber.

Au dîner, ça discute randonnée. Nous retrouvons quelques papis et mamies que nous avions croisés hier. Ils font un bout du GR10 avec du portage de bagage entre chaque étape. Hier ils ont dormi au refuge du Rhule. Visiblement ils étaient surpris de nous trouver déjà là à faire la sieste quand ils sont arrivés en fin d’après-midi.

Nous nous mettons au lit à peine sortis de table. Demain matin nous avons encore une belle montée qui nous attends, et on devrait enfin sortir de l’Ariège !!

Dimanche 21 août – Jour 63 – Passage en Pyrénées-Orientales

27,58km / 2017m D+ / 1218m D-

Nous démarrons la journée dans la fraîcheur matinale. Il doit être 7h et il n’y a presque personne sur la route. Un petit chemin bordé de cailloux et d’arbres moussus nous accompagne jusque dans la montagne où nous retrouvons pâturages et herbe rase. Le soleil n’a pas encore dépassé les montagnes et il fait bien frais dans l’ombre, ce qui ne nous empêche pas de suer copieusement dans la montée. Nous doublons quelques randonneurs matinaux. Nous grimpons, nous grimpons, silencieux dans l’effort, ponctuant le calme ambiant de quelques échanges malicieux et d’éclats de rire.

Nous atteignons le refuge des Bésines vers 10h. Ce n’est pas une heure commode pour aborder un refuge car c’est le moment où ils font le ménage, et donc on les embête un peu avec nos commandes matinales.

Premier panneau indiquant Banyuls !!
Premier panneau indiquant Banyuls !!
Petite pause au refuge des Bésines
Petite pause au refuge des Bésines

Nous profitons de l’attente pour contempler le paysage. L’étang des Bésines s’étale timidement à un niveau plutôt bas derrière les sapins. L’ambiance est douce. Le soleil nous baigne de sa chaleur tandis que le vent nous fait frissonner de sueur.

Une fois nos snickers engloutis, nous repartons. Nous avons vu un des randonneurs de ce matin nous doubler de nouveau, ce qui est évidemment inacceptable. Nous filons à sa suite et on ne tarde pas à le rattraper avant le col de Coma d’Anyell. Il se montre très sympathique et nous papotons avec lui – il est sur la fin de son GR10 complet, en moins d’un mois ! Si lui nous impressionne avec sa performance de rapidité, nous l’impressionnons avec notre tonus dans les côtes et la longueur de notre traversée. On a quand même 200km de plus au compteur que ce qui est prévu normalement.

Au col de Coma d’Anyell, on bascule avec émotion dans les Pyrénées-Orientales, le dernier département de notre aventure.

Les Pyrénées-Orientales, vues du coll de Coma d'Anyell. Le Carlit domine la chaîne de montagne
Les Pyrénées-Orientales, vues du col de Coma d’Anyell. Le Carlit domine la chaîne de montagne

Ce qui nous frappe d’abord, c’est le niveau extrêmement bas de l’étang de Lanoux. Puis tandis que nous avançons, on se rend compte que les pentes raides et les vallées encaissées ont subitement laissé la place à d’immenses plateaux herbeux aux pentes douces.  En passant le dernier col de la journée, la Portella de la Grava, nous réalisons bien que, ça y est, nous avons changé de département, et que nous approchons de la fin du périple.

Après une petite pause au bord d’un ruisseau, pour mettre les pieds dans l’eau en mangeant du fromage, nous descendons tranquillement jusqu’au lac des Bouillouses. Je me sens toute déboussolée par ce paysage si plat, j’en perd mes repères. Par moment j’ai l’impression que je n’avance plus tant le paysage autour bouge lentement.

Nous longeons le lac des Bouillouses, étincelant sous le soleil, s’étendant à perte de vue. Les pins et leurs épines jonchent le chemin sablonneux. Pas de doute, on est bien en pays catalan.

Nous faisons un court ravitaillement à la terrasse bondée de l’hôtel des Bones Hores à côté du barrage du lac. Une crêpe plus tard et une tomette de 500g de fromage dans le sac, nous partons en quête d’une cabane pour la nuit un peu plus loin sur le GR10.

Nous nous arrêtons à la cabane de l’étang de la Pradella. Malgré le nombre de promeneurs aux alentours, il n’y a personne dans la cabane. Il est 17h et nous nous retrouvons avec un peu de temps pour chiller dans l’herbe.

Je profite de quelques rayons de soleil pour me laver rapidement avec notre petite bassine. Il y a un lac, mais le soleil fait cache-cache avec les nuages, je n’ai pas envie de me geler les fesses.

Mathilde devant la cabane de l'étang de la Pradella
Mathilde devant la cabane de l’étang de la Pradella

Les heures s’égrènent tranquillement, le paysage vire au gris-rose et le sentier de randonnée se vide peu à peu. Nous dînons tranquillement en savourant cette première soirée dans les Pyrénées-Orientales. Le paysage est si plat qu’on ne dirait pas qu’on est encore à 2000m d’altitude, on se croirait déjà presque à la mer.

L'étang de la Pradella
L’étang de la Pradella
Coucher de soleil sur les Pyrénées-Orientales depuis la cabane
Coucher de soleil sur les Pyrénées-Orientales depuis la cabane

Avec la nuit et le froid, nous nous glissons dans les duvets. A la lumière de la frontale, on peut lire les petits messages laissés par nos prédécesseurs sur les murs et le plafond.

A leur tour de nous faire voyager dans le temps à travers des sorties entre amis, des soirées pluvieuses ou des jours de tempête.

dessin myosotis

– Fin de la 9ème semaine –

🏕️ Continuer l’aventure

Fond montagne dessin

La prochaine semaine… et la dernière. Notre traversée prend fin. Un ultime et colossal effort à travers les Pyrénées Orientales et leur chaleur écrasante, pour rejoindre la douceur de la mer.

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