1ère semaine
Hendaye -> Saint-Jean-Pied-de-Port
- Progression – 104km 9%
Kilomètres
Dénivelé + (mètres)
Dénivelé - (mètres)
🗺️ Informations techniques
Ces informations ainsi que les tracés sont donnés à titre indicatif. Nous vous déconseillons de les utiliser telles quelles ! Préférez vous référer à une carte de randonnée pour préparer votre voyage.
Jour | Date | Etape | Distance (km) | Dénivelé + (m) | Dénevelé – (m) | Durée (h:min) | Distance KME (*) |
1 | 20/06 | Hendaye -> Col des Trois Fontaines | 26,5 | 1559 | 1022 | 5:57 | 45,2 |
2 | 21/06 | Col des Trois Fontaines -> Cabane de Gainekoborda | 23,16 | 801 | 838 | 4:49 | 33,7 |
3 | 22/06 | Cabane de Gainekoborda -> Bidarray | 15,63 | 608 | 910 | 3:20 | 24,4 |
4 | 23/06 | Bidarray -> St-Etienne de Baïgorry | 19,05 | 1355 | 1316 | 5:02 | 36,6 |
5 | 24/06 | St-Etienne de Baïgorry | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
6 | 25/06 | St-Etienne de Baïgorry -> St-Jean-Pied-de-Port | 20,1 | 1012 | 989 | 5:04 | 33,2 |
7 | 26/06 | St-Jean-Pied-de-Port | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
(*) KME = kilomètre effort / Notre calcul = distance + (dénivelé positif / 100) + (dénivelé négatif / 333)
Dimanche 19 juin – la veille du départ
Dernier jour avant le grand départ.
Florian et moi avons pris le train ce matin à Souillac, direction Toulouse, où nous avons déjeuné avec Ilane. Beau préquel à l’aventure car il est censé nous rejoindre pendant la traversée pour passer quelques jours avec nous. Quelques rires, un morceau de fromage et un café plus tard, nous revoilà dans le train, pour Bordeaux cette fois, avant de prendre un dernier TER pour Hendaye. C’est déjà une épopée, 7h de voyage.
Le front posé contre la vitre froide du train, je regarde défiler le paysage sans le voir. Je suis un peu plus calme maintenant que nous sommes en route. Les derniers jours ont été intenses pour terminer la préparation.
Ranger et nettoyer la maison pour nos mois d’absence, finir de rassembler le matériel, de préparer les traces GPS, faire la carte sur le site web, préparer les postes restantes… On a pas beaucoup dormi et le stress agite mon sommeil depuis des jours. On commencera à marcher demain mais cela fait déjà longtemps que la randonnée a commencé dans nos têtes.
J’ai du mal à réaliser que ça y est, on est parti, on va le faire.
Florian a quitté son boulot. J’ai mis fin à ma mission. Des mois de préparation vont devenir réalité.
D’une certaine façon, nous commençons la traversée à la tombée de la nuit. Nous marchons jusqu’au bout de la jetée d’Hendaye pour mettre les doigts dans l’eau et contempler la ville qui scintille. Puis nous rentrons nous coucher dans le dernier vrai lit avant belle lurette.
Lundi 20 juin – Jour 1
26,5km / 1559m D+ / 1022m D-
Départ de Hendaye vers 6h15 sous une pluie fine mais constante qui nous suit toute la matinée.
Heureusement les premiers mètres de dénivelé ne tardent pas à se faire sentir et nous réchauffent. Nous prenons doucement de l’altitude et atteignons la table d’orientation du Rocher des Perdrix à 286m avec une magnifique vue sur le nuage environnant. Un peu plus haut nous avons droit à une trouée dans la grisaille qui nous permet d’apercevoir Hendaye et l’océan.
Retour dans le nuage pour notre premier « sommet », le Xoldoko Gaina à 486m. Les cloches des chevaux d’élevage paissant paisiblement au milieu des fougères verdoyantes nous accompagnent dans notre marche.
Vers 10h30 nous atteignons le col d’Ibardin après 4h de marche et nos 15 premiers kilomètres. Déjà les trois quarts de la première étape. De nombreux restaurants se tassent le long de la frontière avec l’Espagne. Trempés et affamés, nous faisons une pause pour manger un morceau et boire quelque chose de chaud. Nous n’avons rien avalé depuis notre départ, trop excités par le début de l’aventure.
Une heure plus tard, le ventre rempli de tapas, nous reprenons la route sous la bruine. Le temps finit par s’éclaircir doucement. Les premiers monts se découvrent timidement autour de nous, tandis que nous traversons des forêts et des pâturages. De nombreuses aires propices au bivouac jalonnent le chemin, à notre grande surprise. Il ne sera peut-être pas si difficile de trouver où camper. Nous croisons quelques randonneurs. Serait-ce nos premiers collègues GRdistes ?
Nous atteignons Ohlette et son gîte d’étape vers 14h. Nous plongeons avec délice nos petits pieds transis dans l’eau fraîche d’une rivière en mangeant un morceau de fromage. J’en profite pour nettoyer mes mollets couverts de boue et on se tartine les pieds de NOK pour éviter les ampoules. Nous avions prévu de bivouaquer ici mais le cadre ne fait pas rêver, aux abords d’un parking. Il est encore tôt alors nous décidons de continuer. Quelle satisfaction de prolonger déjà une étape ! Nous ne sommes pas pressés mais nous aimons bien ce défi.
Alors que nous renfilons nos chaussettes, deux jeunes femmes se joignent à nous près de la rivière. Elles sont parties de Hendaye ce matin et dormaient dans le même hôtel que nous. Elles ont prévu du passer la nuit dans le gîte d’étape, nous les saluons avant de repartir. En discutant avec un autre randonneur un peu plus loin, il nous dit qu’une quinzaine de GRdistes suivent derrière, à notre grande surprise. Nous en avons croisé peu pour l’instant, peut-être parce que nous sommes partis tôt. Certains ont dû nous doubler quand nous étions à Ibardin. C’est drôle d’imaginer une longue file de randonneurs en procession sur le sentier.
Nous poursuivons notre ascension vers le col des Trois Fontaines. Le soleil se joint à nous, nous pouvons enfin sortir nos chapeaux et admirer le paysage. Derrière, on voit toujours Hendaye, l’océan et St-Jean-de-Luz un peu plus au nord. Devant nous, la Rhune.
La montée est bien rude, complétant les 27km et 1590m de dénivelé de cette première journée. Une bien grosse étape !
Petite pause méritée au col pour admirer la vue et observer le manège des chevaux dans les fougères, broutant et s’occupant de leurs petits. J’ai bien failli me prendre un coup de sabot par l’une de ces belles bêtes, bien plus farouche que les chevaux de loisir que j’ai déjà pu rencontrer.
Le ciel se couvre et nous nous mettons en quête d’un coin plat et tranquille pour monter la tente avant le retour des nuages et de la pluie. Nous avons cherché en vain une source d’eau aux alentours, un peu récalcitrants vis-à-vis des ruisseaux au vu du nombre de bêtes dans le coin. Les fonds de bouteilles suffisent heureusement pour faire chauffer notre purée-parmesan et nous remplir le bidon. La fatigue se fait sentir et la pluie commence à tomber. Il est grand temps d’aller faire dodo. Il est 21h15 et demain nous voudrions partir à 6h30, comme ce matin.
Je plains les deux randonneurs qui sont arrivés et ont commencé à s’installer alors que la pluie se mettait à tomber.
Mardi 21 juin – Jour 2
23,16km / 801m D+ / 838m D-
Première nuit dans la nature à écouter les cloches des chevaux et le tambourinement de la pluie contre la tente. Le réveil se fait dans une petite brume humide. C’est le matin, mes gestes sont lents et maladroits. Je mets du temps à ranger mes affaires. Nous replions la tente couverte de perles de pluie glacées. Il faudra penser à la faire sécher plus tard. Un fois le tout empaqueté, nous entamons la descente jusqu’à Sare. Les deux randonneurs tardifs de la veille sont en train de remballer.
La matinée est un peu dure niveau moral. Toute la fatigue accumulée pendant la préparation ne s’est pas envolée, et ce nouvel environnement plus l’effort physique sont un redoutable combo. Je sens que je vais devoir m’habituer à avoir la tête dans le gaz.
Nous prenons un petit déj à Sare, après avoir fait quelques courses, et notre énergie remonte un peu. On fait connaissance avec Jérôme, qu’on a surnommé le Trappeur à cause de son énorme sac à dos plein de bric-à-brac (une canne à pêche entre autres). Il a profité de son passage en ville pour renvoyer une partie de son matériel et gagner quelques kilos. Il nous explique que pour lui le GR10 c’est un peu sa revanche sur la vie, car il parvient à remarcher après un grave accident qui lui a bousillé le dos et fait arrêter son activité de bucheronnage. On se quitte en étant sûrs de se recroiser plus tard.
Sur le chemin de Ainhoa, petite pause hygiène près d’un robinet. Première lessive à la main pour les chaussettes et le tee-shirt. On voit défiler une demi-douzaine d’autres randonneurs. Certains seuls, d’autres à deux, le pas vif et le sac bien vissé sur le dos.
Une fois plus ou moins propres, nous poursuivons notre chemin. En arrivant à la fin présumée de l’étape, on s’arrête pour se baigner dans une rivière bien fraîche, un peu avant Ainhoa.
Puis nous traversons la ville et prolongeons l’étape en grimpant vers la cabane de Gainekoborda, en prévision de la nuit d’orage qui s’annonce. Ça nous rajoute une belle ascension pleine de sueur et des pieds douloureux. Mais nous avons droit à une belle vue sur la ville en contrebas. Le temps a été plutôt clément aujourd’hui finalement.
Il est 18h lorsque nous arrivons à la cabane, las, fatigués et un peu inquiets de trouver porte close. Pour notre plus grand plaisir, elle est accessible. Trois randonneurs occupent déjà les lieux et il reste de la place pour nous.
Nous nous installons et nous faisons connaissance avec Nathalie, visiblement montagnarde chevronnée, originaire de Haute Savoie, et Gauthier et Anna qui font leur premier trek en duo. Il est encore tôt alors on a le temps de papoter, se poser, faire quelques étirements et découvrir un peu mieux la cabane. Sur refuges.info ils disent qu’elle a été retapée et une partie est gracieusement mise à disposition des randonneurs. C’est le grand luxe : l’eau courante au lavabo, des tables de pique-nique, des poubelles, et des toilettes dans une petite cabane à l’extérieur !
On monte juste la moustiquaire de la tente pour se protéger des insectes, dans un coin de la cabane. Les estomacs crient famine. Nous dînons tous ensemble en échangeant nos impressions sur le début du GR, nos expériences passées, nos objectifs dans la traversée, nos astuces cuisines ou matériel.
Une fois au lit, la pluie se met à tomber. De petites souris viennent nous visiter pendant la nuit, poussant de petits couinements. Elles ne font pas de dégâts mais leur simple présence suffit à nous mettre aux aguets. Comme prévu, au milieu de la nuit, l’orage se met à gronder. La pluie clapote sur le toit et on est bien content d’être dans la cabane.
Mercredi 22 juin – Jour 3
15,63km / 608m D+ / 910m D-
Les bouchons d’oreilles ont été bien utiles pour conserver un peu de tranquillité mais malgré ça la nuit n’a pas été vraiment reposante. On se lève alors que nos collègues sont déjà repartis à l’assaut du GR10. Il pleut des cordes et nous ne sommes pas pressés de nous faire tremper, alors on attend que ça passe en prenant notre petit déjeuner.
Départ vers 10h pour le col de Mehatse, le soleil pointe timidement le bout de son nez.
Nous faisons notre première digression du GR10 pour emprunter la crête du Mont Bizkailuze qui domine le GR10 de seulement 70m mais nous donne une première bouffée de montagne : on a une vue superbe de part et d’autre de la crête, sur les monts verdoyants des Pays-Basques. Nous sommes ravis de prendre un peu de hauteur.
On rejoint vite le GR10 à la frontière espagnole en traçant en hors-sentier pour retrouver notre chemin. Au col des Veaux, nos pas nous amènent à hauteur des deux dames que nous avions croisées le premier jour ; elles font un premier tronçon de GR10 jusqu’à St Jean Pied de Port, sur une semaine. Nous discutons un peu en marchant, échangeant nos ressentis. On leur partage avec enthousiasme notre petit détour par les crêtes.
On se sépare dans la côte amenant jusqu’au col de Mehatse. La journée avance bien et je commence à avoir faim. Mais le col, balayé par les vents, n’offre pas d’endroits adéquats donc nous poursuivons notre chemin à travers les cromlechs. Quelques dizaines de mètres plus loin, Florian se foule la cheville. Après une micro-pause forcée au bord du chemin le temps que ça passe, on pousse le trajet jusqu’au col d’Espalza où une superbe vue sur la vallée s’offre à nous, depuis un petit promontoire rocheux. C’est l’endroit idéal pour manger.
La descente jusqu’à Bidarray se fait un peu plus rude, les prémices de la montagne se font sentir. Sur les pentes les plus escarpées, quelques chèvres perchées nous regardent passer.
Les derniers kilomètres jusqu’à la ville ne sont pas très agréables, nous sommes sur une route bitumée et ça fait mal aux pieds.
En passant au-dessus d’une rivière, on se laisse tenter par une petite pause et on descend au bord de l’eau. Je me trempe timidement les pieds, l’eau est bien froide ! Alors que Flo est en train de retirer ses chaussures près du bord, un geste maladroit fait tomber une de ses chaussures dans la rivière – il se jette après et en ressort avec les deux pieds trempés et les chaussures avec, mais heureusement elles sont toujours là. Ça écourte un peu notre pause et on repart accompagnés d’un petit floc-floc.
Si jusque-là le temps a été seulement grisonnant, le ciel commence désormais à sérieusement se couvrir et, alors que nous atteignons Bidarray à l’heure du goûter, la pluie s’abat brutalement sur nous. Heureusement nous avons le temps de nous abriter sous un petit porche pour regarder le déluge.
Je commence à m’inquiéter pour la suite de la journée. Un coup d’œil sur la carte me renseigne qu’il reste 900m de dénivelé pour atteindre les crêtes d’Iparla, lieu féérique où Florian aimerait bivouaquer. Toute glacée par l’humidité, fatiguée de la journée, je sens mon courage m’abandonner. En plus la supérette est fermée, moi qui espérais un petit goûter pour me redonner des forces. Les angoisses se bousculent dans ma tête : est-ce bien raisonnable d’aller là-haut alors que le temps est mauvais ? La météo prévoit des éclaircies en soirée mais si ce n’était pas le cas ?
Je sens Florian bouillonner à côté de moi, il aimerait aller plus loin et profiter d’un coucher de soleil depuis les crêtes. Mais lorsque la pluie s’arrête, il est 17h passées, ça commence à être tard pour entamer une ascension. On profite de l’accalmie pour aller jusqu’au gîte d’étape de la ville. Par hasard, il leur reste des places dans le dortoir. Je craque et je nous prends deux lits. On profitera de ne pas avoir besoin de ranger la tente pour partir à l’aube demain matin. En attendant, le ciel se dégage et les crêtes d’Iparla se dévoilent face à nous. J’ai un pincement au cœur, c’est vrai que la soirée s’annonce belle finalement. Et dire qu’on pourrait être là-haut si j’avais été un peu plus forte. Flo ronge son frein et pour faire passer tout ça, on se rend au bar du village.
Une bière basque à la main, la blonde Eguzki, nous nous détendons un peu en faisant plus ample connaissance avec Anne-Laure et Jérôme le Trappeur. Anne-Laure vient de la Réunion, elle nous raconte les beaux paysages volcaniques et les forêts luxuriantes, ses bijoux faits de graines. Elle est douce et semble rêveuse. Sa peau déjà tannée par le soleil de l’île font ressortir ses yeux pétillants de vie. Je m’attache vite à elle, je la trouve inspirante. Jérôme est un bloc de muscle et de volonté, et malgré son dos en miette il se traîne toujours un sac beaucoup trop lourd. Il parle d’une vingtaine de kilos mais vu qu’il a le luxe d’avoir un jean et des sandales, je pense qu’il minimise sa charge !
La soirée est agréable. Nous papotons de nos vies et de la journée que nous venons de passer. Anne-Laure a trouvé de quoi planter sa tente dans le jardin du propriétaire du bar et Jérôme bivouaque à côté du gîte. Il reste dîner au bar-restaurant tandis que nous rentrons faire notre popotte. Les autres randonneurs ont fini leur dîner et un couple nous offre gentiment leur dessert, un gâteau basque ! Miam. C’est la première fois que j’en mange.
Nous contemplons le paysage qui glisse petit à petit dans la pénombre. L’air est calme, j’apprécie d’avoir le temps de me décontracter avant d’aller dormir. La douche est un plaisir sans nom. Le lit superposé dans un dortoir d’une dizaine de personne n’est pas des plus confortable, mais c’est appréciable.
Jeudi 23 juin – Jour 4 – Les crêtes d’Iparla
19,05km / 1355m D+ / 1316m D-
Lever vers 5h du matin. J’ai mal dormi, il a fallu que je me lève au milieu de la nuit pour aller aux toilettes évidemment. C’est quand même plus commode d’avoir juste à sortir du dortoir que de devoir s’extraire de la tente. On remballe vite fait nos affaires et on croque une barre de céréale avant de partir. Il fait encore nuit, nous nous éclairons à la frontale. Le temps de sortir de la ville le soleil commence déjà à déposer de petites touches de rose sur les montagnes.
Comme prévu, l’ascension est rude. Le sentier a été dévié et grimpe le long de la parcelle d’un champ, tout droit dans la pente. Il faut avancer en étant parcimonieux dans ses efforts. Pas trop vite mais régulier. Le temps est dégagé mais alors que l’on approche des hauts plateaux, un nuage vient nous engloutir. Malgré le froid environnant nous transpirons à grosses gouttes. Il s’agit alors de ne pas s’arrêter car sinon le vent et le nuage ont tôt fait de nous donner la chair de poule.
Dans la brume, on distingue des troupeaux de moutons, ceux-là même responsables des innombrables crottes dans lesquelles nous pataugeons sur le sentier. Et comme on est aux Pays Basques, il y a aussi des chevaux bien sûr.
On atteint le Pic d’Iparla vers 9h. Notre déception est palpable : on n’y voit pas à 10m autour alors que c’est notre premier passage à plus de 1000m d’altitude ! Patients, nous enfilons la polaire et le k-way et on attend en grelottant, serrés l’un contre l’autre en mangeant une barre de céréales, que les nuages se dissipent. Les chapes de brume nous laissent entrevoir par intermittence le ciel bleu et la vallée en contrebas. Au bout d’une demi-heure, transis de froid, nous décidons de reprendre notre marche. On retire toutes nos couches de vêtements pour ne pas finir trempés, frissonnant dans nos tee-shirts. Enfilage de tour de cou et de bonnets, et après quelques mètres de dénivelé on se réchauffe un peu.
L’heure tourne et les nuages finissent peu à peu par se dissiper. Nous découvrons avec excitation la vue grandiose sur la crête tombant à pic dans la vallée, les maisonnettes des villages comme des petits pois déposés dans les creux des montagnes. Le soulagement et la félicité de pouvoir profiter du paysage nous envahissent.
On s’assoit pour faire sécher nos vêtements et manger un peu. Le soleil se met à taper fort et on se félicite d’avoir fini le gros du dénivelé positif de la journée. On contemple la ronde des rapaces un peu plus loin. Ils sont une demi-douzaine à être perchés sur un petit promontoire rocheux.
La crête est bien plus longue à franchir que ce que j’imaginais. On n’en finit pas de s’émerveiller du paysage. Par-ci par-là des chevaux broutent tranquillement à quelques mètres du vide. Le chemin est en dents de scie, on monte et on descend régulièrement sur les quelques kilomètres de la crête. Petite pause au pic de Toutoulia avant d’entamer la descente vers le col d’Arietta.
Nous avions prévu de bivouaquer au col. La petite zone de bivouac est effectivement très sympa, mais il n’y a pas de point d’eau à proximité et de toute façon il est encore tôt. On vise St-Etienne-de-Baïgorry et son camping pour ce soir.
C’est à ce moment-là que mes règles ont décidé de venir rajouter un peu de piment à la partie. J’enfile une serviette avec un soupir, en pensant à ce conseil lu d’innombrables fois sur internet : « quand j’ai mes règles, j’évite de partir en trek ». Difficile à appliquer quand on part plusieurs semaines. Allez, un cacheton plus tard, c’est reparti.
Mon ventre se tord dans tous les sens pendant notre remontée vers le bout de crête suivant. Il est jalonné de petits sommets discrets dont les noms sont imprononçables. La fatigue commence à se faire sentir et la descente qui suit jusqu’à St-Etienne-de-Baïgorry est interminable, en plein cagnard, mais la vue est très jolie sur la ville en contrebas. Le chemin file tout droit jusque dans la vallée sans laisser de répit. On finit par s’asseoir au milieu du chemin pour se reposer. On n’a pas tout le temps la chance d’avoir un joli décor ou un rebord de caillou confortable.
On finit par rejoindre la route bitumée pour les derniers kilomètres, c’est une manie dans le coin. On atteint avec soulagement le camping, qui est idéalement situé à proximité immédiate de l’intermarché et d’une rivière. Le tendon d’Achille de Florian est douloureux, mes genoux aussi, et la perspective de mettre nos membres endoloris dans l’eau fraîche nous ravit.
On installe la tente et en allant déguster une glace à l’accueil du camping, on retrouve nos amis randonneurs. La soirée commence au bar avec Anne-Laure. Puis on dîne avec Marco et Henri. Marco est un jeune comme nous, la trentaine, fils d’un éminent alpiniste qui lui a transmis depuis tout jeune sa passion de la montagne. Son père décédé, il a décidé d’aller faire le GR10 en son souvenir. Après une tentative infructueuse l’an passé en partant de Banyuls, il a décidé de recommencer en sens inverse cette année. Henri est un montagnard aguerri qui semble avoir déjà tout vu et tout fait, je trouve qu’il a un air de sage avec ses petites rides au coin des yeux. Tous deux s’en donnent à cœur joie en nous conseillant sur les ascensions à faire dans le reste de notre traversée.
Le repas au restaurant en face du camping est fin et délicieux. Je suis ravie de manger des légumes après ces quelques jours de purée. Mes intestins le vivent plutôt bien – on s’y est habitué à l’avance – mais mes papilles sont en manque de saveurs. Et ce n’est pas encore la saison pour les fruits sauvages ! Donc on savoure.
Petite douche en rentrant avant de filer sous le duvet (on est très content d’avoir tout installé à l’avance). Petite séance de massage des pieds et planification de la suite du voyage. On a une journée d’avance sur le planning initial, on aurait dû arriver à St Etienne de Baïgorry seulement demain. On décide donc de rester au camping une journée pour se reposer et prendre soin de nos membres endoloris. Bien assez de kilomètres nous attendent encore, on aura le temps d’en manger. C’est agréable de ne pas avoir de contrainte de temps.
Vendredi 24 juin – Jour 5
Repos
Il fait beau et chaud aujourd’hui. Le temps est idéal pour faire une lessive, et passer la journée les pieds dans l’eau. J’ai également de la couture à faire, les chaussettes de Florian commencent déjà à montrer des signes de faiblesse et nos pochettes de portable sur le sac à dos ne sont pas assez solides.
Flo est inquiet pour son tendon d’Achille. L’arrière de sa cheville est légèrement enflé. Il a peur que cette blessure le force à couper court à notre aventure, alors même qu’on se disait que ça n’aurait pas l’air sérieux d’arrêter avant la moitié ! On est à peine à 80km. On se promet de faire attention et d’être vigilants à l’évolution de nos corps. Moi je n’ai pas encore mal aux genoux de façon rédhibitoire mais je sais que ce n’est qu’une question de temps. Le kiné m’a dit : « les deux premières semaines tu vas souffrir, et après ça ira mieux ». Donc j’attends avec angoisse ce moment fatidique, et j’essaye de rassurer Flo sur la suite. Il est coriace, je le sais. Il n’abandonnera pas comme ça.
Les courses pour la suite de l’aventure sont vites faites, il n’y a qu’un jour qui nous sépare de St-Jean-Pied-de-Port. On savoure une pizza au cœur du village. La boulangerie vend de délicieux gâteaux basques. Avec leur langue régionale, les noms des rues et des boutiques en basque, les chocolatines, et les petites maisons aux volets rouges, je me sens dépaysée. Je savoure cette sensation qui surgit habituellement lorsque l’on a fait des milliers de kilomètres en avion. Comme quoi c’est possible de ressentir ça en restant dans son pays.
Samedi 25 juin – Jour 6
20,10km / 1012m D+ / 989m D-
Départ pour St Jean Pied-de-Port tôt le matin. On traverse la ville et en passant devant la boulangerie qui est déjà ouverte, impossible de résister à une chocolatine. Je me sens un peu revigorée par cette journée de repos, d’autant qu’une autre nous attend demain aussi ! Ce n’est pas pour ça que la journée s’annonce simple, on a 20 km à faire et le terrain n’a pas de pitié pour nous.
On se fait accompagner sur un bon bout de chemin par un randonneur local qui vient faire sa « balade » du dimanche, et nous parle avec grande joie de sa région. Nous lui sommes très reconnaissants car sa compagnie agréable nous permet de grimper l’essentiel du dénivelé en ne s’en rendant presque pas compte. On finit par se séparer : « Adio » comme on dit par ici.
Notre route nous fait contourner le sommet d’Oilarandoi, il a une allure d’imposante colline herbeuse. On préfère conserver nos forces pour la suite, même si une pointe de regret taraude Flo tandis que nous contemplons la montagne qui s’éloigne. Mais déjà une autre s’élève sous nos pas.
Quelques cols plus tard nous voici à Munhoa, qui se caractérise par une sorte d’antenne dominant la vallée, avec une superbe vue sur St-Jean-Pied-de-Port. La ville semble immense après tous ces jours à parcourir les montagnes. C’est un gros carrefour entre le GR10 et le chemin de St-Jacques de Compostelle.
La descente est longue et douloureuse. J’ai mal aux genoux mais ce n’est rien à côté de Flo qui souffre de ses tendons d’Achille. Pour couronner le tout, alors que nous parcourons la presque traditionnelle route bitumée qui nous amène en ville, il se met à pleuvoir. On fait une petite pause dans le café d’un village. C’est la fiesta à l’intérieur et le prix du café est le même qu’à Paris.
Nous arrivons à St-Jean-Pied-de-Port dans l’après-midi. On s’arrête à la première boulangerie du coin pour se remplir le ventre. La boulangère est très aimable et nous raconte qu’elle préfère les GRdistes car ils sont moins pressés que ceux qui font le Chemin et qui se dépêchent avant de rejoindre leur gîte. Mais on connait quelques GRdistes qui sont en gîte aussi.
On mange dans cette partie de la ville, à l’est, dépourvue de banc et sans doute la moins jolie. Comme il se remet à pleuvoir on va se planquer sous les halles du marché couvert où nos sacs à dos attirent les regards curieux de quelques habitants. Puis nos pas nous mènent au camping municipal où on monte la tente entre deux averses. Nos amis Anne-Laure et Marco sont déjà là depuis hier, ils se sont reposés aujourd’hui et repartent demain.
Après un tour en ville et au bar, on se fait un petit dîner en commun avec Anne-Laure et Matou, un voyageur à vélo. Purée aux champignons, terriblement classique, mais avec des salades, qu’on partage avec quelques gars du camping en errance. Ils veulent partir faire le Chemin mais sont coincés au camping depuis deux semaines pour tout un tas de raisons tenant plus ou moins la route.
La pluie tombe mais nous sommes abrités à côté des blocs sanitaires, et un vacancier nous a même prêté sa table de camping et ses chaises, le grand luxe ! La soirée ne s’éternise pas trop, tout le monde est fatigué et les autres repartent tôt demain.
Dimanche 26 juin – Jour 7
Repos
Erreur de timing : on est dimanche, les magasins sont fermés pour faire les courses ! Il va falloir s’en occuper lundi matin, ce qui va nous faire partir bien tard.
En attendant, on s’adonne à notre occupation préférée : manger et glander. Il pleut par intermittence donc on n’a pas trop envie de mettre le nez hors de la tente. Mais la bougeotte finit par avoir raison de nous et nous profitons d’une accalmie pendant l’après-midi pour monter voir la Citadelle qui domine la ville. Avec ses petites rues pavées et ses bâtiments en pierre, c’est vraiment charmant. De nombreux gîtes d’étapes jalonnent les rues ainsi que des boutiques de randonnée ou de souvenir. Il y a pas mal de monde bien que ce soit à peine le début de la saison.
Demain, nous poursuivons notre chemin au Pays-Basque.
– Fin de la 1ère semaine –
🏕️ Continuer l’aventure
Après avoir traversée la première partie des Pays-Bas en compagnie de nos amis GRdistes, nos chemins vont commencer à se séparer, tandis que nous approchons de notre premier sommet : le Pic d’Anie.