Visiteurs inopportuns au petit matin lors de notre bivouac au lac d'Espingo

8ème semaine

Bagnères-de-Luchon -> Maison du Valier

  • Progression – 755km 68% 68%

Kilomètres

Dénivelé + (mètres)

Dénivelé - (mètres)

🗺️ Informations techniques

Ces informations ainsi que les tracés sont donnés à titre indicatif. Nous vous déconseillons de les utiliser tels quels ! Préférez vous référer à une carte de randonnée pour préparer votre voyage.

 

Jour Date Etape Distance (km) Dénivelé + (m) Dénevelé – (m) Durée (h:min) Distance KME (*)
50 08/08 Bagnères-de-Luchon 0 0 0 0 0
51 09/08 Bagnères-de-Luchon 0 0 0 0 0
52 10/08 Granges d’Astau -> Lac d’Espingo 7,04 765 123 2:00 15,1
53 11/08 Lac d’Espingo -> Granges d’Astau 7,07 163 661 1:52 10,7
54 12/08 Bagnères-de-Luchon -> Fos 33,48 1741 1961 8:00 56,8
55 13/08 Fos -> Eylie d’En Haut 25,77 2058 1564 6:46 51,0
56 14/08 Eylie d’En Haut -> Maison du Valier 20,96 1709 1824 5:30 43,5

(*) KME = kilomètre effort  / Notre calcul = distance + (dénivelé positif / 100) + (dénivelé négatif / 333)

dessin myosotis

Lundi 08 aout – Jour 50

Repos

Mission du matin: trouver du petit déj ! La chose n’est pas si évidente, je dois traverser la moitié de la ville pour trouver une boulangerie ouverte un lundi matin.

La matinée se déroule paisiblement et à midi, mes parents arrivent et nous allons manger tous ensemble, ce qui nous occupe une bonne partie de l’après-midi.

Ca me fait plaisir de les voir ici, mais je me sens un peu bizarre. Ces dernières semaines ont été si intenses et si éloignées de tout ce que j’ai pu vivre jusque là. Quand mes parents me regardent, ils voient toujours leur petite fille j’imagine, un peu douillette et qui ronchonne sous la pluie. Comment pourrais-je leur faire réaliser que je me suis dépassée encore et encore, ce que ça m’a coûté, ce que ça m’a apporté… c’est impossible. Alors je profite juste de leur présence, et Flo et moi leur racontons quelques unes de nos aventures.

Ce soir, nous dormons dans un petit appartement loué pour l’occasion.

 

Mardi 09 aout – Jour 51

Repos

Ah, vive les grasses mat’ ! Que c’est bon de dormir dans un lit !!!

Aujourd’hui on se croirait en vacances dans les vacances. On fait un peu de shopping pour remplacer mon bâton de marche, changer les semelles des chaussures, manger, lire des magazines, et marcher un peu autour de la ville.

mes parents pendant notre promenade autour de Bagnères
Mes parents pendant notre promenade autour de Bagnères

Nous nous remplissons le ventre, et allégeons nos sacs pour la deuxième partie du voyage (s’il y a deuxième partie).

Exit le tee-shirt et le short de rechange, on vire quelques trucs de la trousse de secours qui sont en triple ou quadruple. On a gagné encore quelques centaines de grammes et nos sacs sont ridiculement petits par rapport aux autres randonneurs.

Mercredi 10 aout – Jour 52

7,04km / 765m D+ / 123m D-

La matinée s’écoule vite, il faut faire le ménage de l’appartement pour le rendre avant 10h. Ensuite balade avec les parents, et vers midi on retrouve notre bande de copains qui vient faire deux jours de randonnée avec nous ! Ils sont 5 à débarquer de Toulouse et Paris pour nous remonter le moral !

Nous et notre bande de joyeux lurons profitons d’un restaurant avant de se mettre en route vers les granges d’Astau pour commencer la rando. Un peu de voiture et un peu de stop plus tard, nous sommes tous prêt à démarrer. 

illustration myosotis et aster

Nous voilà de nouveau sur le GR10, mais à nouveau en arrière ! Décidément, on passe notre temps à faire des aller-retours.

Il y a un monde de fou au départ du parking, comme souvent sur le GR. A peine a-t-on entamé la randonnée que les chaussures de S. décident de rendre l’âme. Complètement déchirées en deux, inutilisables. La pauvre se voit déjà prendre le train pour rentrer à Toulouse, mais c’était sans compter sur l’Intersport de Bagnères-de-Luchon (et oui, on n’a pas arpenté la rue en long et en large pour rien). S et I retournent donc à Bagnères tandis que le reste d’entre nous attendons un peu plus loin sur le chemin, à l’ombre.

C’est drôle de voir les copains de Paris ici ! Ils ramènent avec eux les conversations sur les lieux que nous fréquentons ensemble. Ça me paraît tellement loin, j’ai l’impression que c’était dans une autre vie. Je me rends vite compte que j’ai du mal à retrouver un semblant de socialisation – je suis ravie de les voir seulement les mots ont du mal à franchir ma bouche, mon cerveau est tout engourdi, je me sens timide.

Au bout d’une petite heure d’attente à papoter joyeusement, on finit par apercevoir nos comparses qui reviennent, avec une paire de chaussure toute neuve aux pieds. C’est reparti ! Ce petit imprévu a mis un sacré coup à notre planning mais on devrait quand même réussir à atteindre le lac d’Espingo avant la nuit, et avant l’orage. Nous croisons les doigts car le ciel est bien chargé.

Ça fait du bien de reprendre la marche, c’est agréable de sentir ses muscles travailler. Je procède à un examen intérieur en tâchant de repérer où j’ai encore mal après ces quelques jours de repos. Les genoux n’y échappent pas bien sûr, mais les douleurs aux pieds sont aussi persistantes à mon grand désarroi.

On atteint vite le lac d’Ôo. Sa haute cascade fend en deux la falaise avec une courbe élégante, transperçant le rideau d’arbres pour plonger dans le lac d’un bleu sombre profond. Son gargouillement résonne dans la montagne. Pas étonnant que le lieu ait du succès !

Le lac d'Ôo et sa cascade
Le lac d’Ôo et sa cascade

Nous montons encore une bonne grosse heure pour atteindre le refuge d’Espingo, perché au-dessus du lac éponyme. Ça rouspète un peu sous les sacs à dos, mais j’ai l’impression que le paysage est tout de même satisfaisant !

Soupirs de soulagement en arrivant au refuge. On se sent bien plus dans la montagne ici, dominé à gauche par le Grand Queyrat et à droite le Pic des Spijeoles, avec en face le cirque d’Espingo.

Sur le GR10 vers le lac d'Espingo
Avec les copains sur le GR10 vers le lac d’Espingo
Le lac d'Espingo devant le Pic des Spijéoles
Le lac d’Espingo devant le Pic des Spijéoles

Je ressens de nouveau en moi l’appel des hauteurs. J’aurais presque envie de gravir un sommet le soir même, sans prendre en considérations tous les risques, dont celui évident de la nuit. Mais la fatigue a raison du petit groupe, et la faim aussi, alors nous nous attelons à la recherche d’un lieu de bivouac non loin du lac. Des chevaux pâturent ici et là, nous choisissons un endroit plutôt plat bien à l’écart d’eux.

On monte les tentes en formant un petit cercle, et alors qu’on sort les cacahuètes et qu’on commence à préparer à manger, la pluie se décide à tomber.

Bivouac près du lac d'Espingo - Attention, danger !
Bivouac près du lac d’Espingo – Attention, danger !

Bien assise sur un petit rocher devant mon réchaud, les pieds nus sous la pluie battante, je m’attelle au réchauffage des énormes pots de cassoulet et végoulet (version végétalienne du cassoulet) ramenés avec amour par I. de Toulouse. R est le deuxième préposé au réchauffage de cassoulet, et les autres se tassent en mangeant et en riant sous les tentes.

Dîner au bivouac sous la pluie
Dîner au bivouac sous la pluie

Une espèce de paix intérieure s’empare de moi. J’ai les orteils glacés, je suis trempée et je meurs de faim, mais les rires de mes amis qui sont venus nous voir jusqu’ici, la bonne odeur des plats, le duvet chaud qui m’attend sous la tente, font que je me sens bien. Je ressens au fond de mes tripes cette sensation cultivée pendant des semaines de trek : il en faut peu pour être heureux. Avoir une tente pour s’abriter et savoir qu’il fera beau demain, c’est tout ce qu’il faut pour que cet orage ne soit plus qu’un beau spectacle.

Je dévore ma portion de végoulet en contemplant avec les autres les éclairs qui déchirent le ciel et pourfendent les montagnes. Aucun de nous n’imaginait que cette soirée se déroulerait ainsi, je pense.

Une fois les estomacs pleins, la fatigue et le froid pousse tout le monde à se ranger dans sa tente. Dans la nuit, les rires continuent de fuser longtemps avant que le sommeil ne s’empare de nous pour de bon. C’est une douce berceuse.

Jeudi 11 aout – Jour 53

7,07km / 163m D+ / 661m D-

Le soleil matinal a tôt fait de nous réveiller, et tant mieux. Les restes de cassoulet collant au fond des casseroles ont attiré des visiteurs un peu envahissants : les chevaux ont décidé de venir voir si les tentes étaient comestibles. Au début, c’était drôle de les voir curieux et si proches, mais lorsqu’ils ont commencé à vouloir grignoter tout ce qui passait (sacs, tongs, popotte, …) ce fut beaucoup moins drôle et tout le monde se mit précipitamment à ranger ses affaires pour éviter de se les faire croquer.

 

Visiteurs inopportuns au petit matin lors de notre bivouac au lac d'Espingo
Visiteurs inopportuns au petit matin lors de notre bivouac au lac d’Espingo
Cheval à côté d'une tente et d'un randonneur
« Mais lorsqu’ils ont commencé à vouloir grignoter tout ce qui passait (…) ce fut beaucoup moins drôle »

Le réveil est un peu brutal !

On se retrouve tous au refuge, un peu sonnés. On profite des bancs de pique-nique pour prendre le petit-déjeuner et se remettre de nos émotions.

La journée est déjà bien entamée, on n’ira certainement pas beaucoup plus loin aujourd’hui. I et S restent au refuge tandis que le reste de la troupe allons piquer une tête au lac Saussat.

L’orage est passé ce matin, le ciel est clair et l’eau n’est pas si froide une fois qu’on a passé la taille ! Je fais le poisson dans l’eau avec plaisir, ce n’est pas souvent qu’on a du temps pour farnienter dans la montagne.

On se sèche au soleil sur les cailloux, puis on retourne au refuge. On retrouve nos amis sont sur le point d’entamer la descente.

 Flo et moi les laissons partir devant le temps d’avaler une omelette au refuge. J’aime beaucoup trop les omelettes…

Vers le lac du Saussat, le refuge d'Espingo derrière
En route pour la baignade ! Vers le lac du Saussat, devant le refuge d’Espingo

 

On les rejoint assez rapidement alors qu’ils déjeunent le long du chemin, judicieusement entourés de buissons de framboises et de myrtilles. Nous poursuivons la descente sous le soleil, et profitons d’une petite pause au lac d’Ôo pour prendre une glace rafraîchissante, à l’ombre des parasols.

Le lac d'Ôo et sa cascade vus du GR10
Le lac d’Ôo et sa cascade vus du GR10

Retour au parking et à l’auberge des granges d’Astau. Nous festoyons sur notre retour des hauteurs autour d’une tablée de crêpes, arrosée de jus de fruits et de limonade maison.

Il est 19h passé quand nos amis reprennent la voiture pour Toulouse. Il est trop tard pour se permettre de faire un aller-retour supplémentaire à Bagnères pour nous déposer, et de toute façon nous n’aurions nul part où dormir une fois là-bas. Nous leur souhaitons bon voyage et tentons de transmettre tous nos remerciements pour cette superbe petite aventure. Les voilà parti, et Florian et moi allons chercher un petit spot de bivouac derrière les parkings, non loin de la rivière.

Un âne décide de venir nous déranger pendant le dîner, comme un rappel de la « blague » de ce matin par les chevaux. Il avait l’air très intéressé par la semoule-soupe aux champignons.

Florian commence à séparer les affaires qu’il devrait emmener s’il continuait tout seul. C’est le moment de prendre une décision, Mathilde.

Ces deux journées n’ont pas été trop difficile à vrai dire, mais j’ai quand même eu mal un peu partout. Il reste encore 450km, cela me paraît insurmontable. Ça représente une vingtaine de jours, si on avance bien. C’est long, pourquoi s’infliger ça encore ? Ce serait si facile d’abandonner là. Rien ne me retient, c’est un défi entre moi et moi. Et qui peut se targuer d’avoir déjà fait 650km à pied d’une traite dans sa vie ? C’est un record déjà bien suffisant pour mon palmarès, ma plus grosse randonnée avant ça était de 90km.

La fatigue me pèse. Je me sens incapable de continuer, d’aller au bout, c’est trop long. Le goût de l’échec est amer dans ma bouche. J’ai du mal à m’y résoudre. Suis-je vraiment au bout de mes forces ? Si j’arrêtais sans avoir tout donner, ce serait une déception sans nom.

illustration aquarelle montagne paysage randonneur bivouac
Bivouac décisif aux Granges d’Astau. Suis-je capable de continuer ?

En fait, je réalise que ce qui me freine le plus, c’est la peur de ne pas être à la hauteur. D’être un handicap pour Florian, de l’empêcher d’aller au bout parce que je suis trop lente, parce que j’ai mal, parce que je suis fatiguée. Mais il m’est insupportable de m’imaginer attendre 3 semaines que Flo termine, sans moi, seul sur ce chemin que nous parcourons côte à côte depuis des semaines, pour le meilleur et pour le pire. Et ce n’est pas non plus la solution qu’il préfère, mais il est décidé à aller jusqu’au bout, même tout seul.

Les larmes roulent sur mes joues pendant ma bataille intérieure. Flo m’aide à m’aiguiller. On va continuer jusqu’à ce qu’on en puisse plus, qu’on soit achevé pour de bon, incapable de faire un pas de plus. C’est un objectif qui me semble plus clément, moins exagéré, que celui de vouloir aller jusqu’à la mer coûte que coûte.

Je n’irai sûrement pas jusqu’au bout, mais je veux bien continuer encore un peu… encore un peu…

Vendredi 12 aout – Jour 54

33,48km / 1741m D+ / 1961m D-

C’est décidé, je continue. Ce sera dur. Je n’aurai alors qu’à serrer les dents. Chaque jour et chaque kilomètre à partir d’ici nous rapprochent de la fin.

Enfin, encore faut-il retourner jusqu’à Bagnères ! On est toujours à une vingtaine de kilomètre de notre lieu de départ.

On se lève tôt et on va prendre notre petit déjeuner à un café qui vient tout juste d’ouvrir. Tout est encore désert et calme, seul le serveur qui discute avec un habitué trouble légèrement le silence.

Résignés à devoir retourner à Bagnères à pied, nous prenons par la route, histoire d’aller au plus rapide. Au bout de deux kilomètres, à l’approche du village d’Ôo, j’entends une voiture arriver par derrière, et je lève le pouce sans trop d’espoirs. Surprise, la voiture s’arrête ! C’est le bonhomme qui discutait avec le serveur ce matin ! Il nous emmène bien volontiers jusqu’à Bagnères, nous régalant d’histoires sur la ville et ses habitants et nous faisant économiser une journée de marche que nous avions déjà faite.

Vers 10h nous sommes à Bagnères. On a bien mérité un autre café et une nectarine.

 Vers 11h on entame sérieusement l’étape. On va commencer doucement… heu non, doublons l’étape plutôt, pour aller directement jusqu’à Fos.

Pas le temps de niaiser désormais, il s’agit d’être efficace pour arriver au bout.

On commence par monter jusqu’à Artigue, magnifique petit village de pierres sèches. Nous y croisons deux mamies randonneuses, squelettiques, aussi sèches que les pierres, comme un sombre présage de ce qui nous attend par la suite.

Le petit village d'Artigue, au-dessus de Bagnères-de-Luchon sur le GR10
Le petit village d’Artigue, au-dessus de Bagnères-de-Luchon sur le GR10

On continue de vider des litres de sueurs sous un soleil de plomb en montant jusqu’à la cabane de Peyrehitte. Comme si on était incapable d’apprendre, on n’a pas re-rempli totalement nos bouteilles à Artigue, et l’eau se fait complètement absente tandis que nous passons des sous-bois aux champs puis des champs à l’herbe rase et rôtie des sommets.

Les flancs brûlés par un été impitoyable dessinent des auréoles de feux sur les flancs des montagnes.

Bye Bye, Bagnères !
Bye Bye, Bagnères !
« On continue de vider des litres de sueurs sous un soleil de plomb (…) »

Nous montons jusqu’au Pic de Bacanère, laissant derrière nous Bagnères. Je ressens ce départ comme un vrai soulagement, j’avais l’impression de m’être embourbée là-bas. Finalement, la ville n’aura pas eu ma peau de randonneuse.

Panorama du Pic de Bacanère
Panorama du Pic de Bacanère

En passant le Pic de Bassiouès, Florian vire au pâle. Il n’a rien mangé de toute l’ascension et son corps le lui rappelle brusquement. Nous nous asseyons sur place pour manger un morceau. Nous finissons les dernières gouttes d’eau. Le soleil cogne vilainement et ça fait déjà au moins deux heures qu’on se rationne. J’ai la gorge sèche. On continue d’avancer puisqu’il n’y a que ça à faire. On voit des troupeaux de moutons en contrebas qui s’agglutinent les uns contre les autres pour se faire de l’ombre mutuellement. Un vrai kebab en plein air.

Alors que nous redescendons après l’étang de St-Béat (qui n’ « étang » plus grand-chose), nous repérons miraculeusement une source dégoulinante en contrebas. On se précipite dessus et avalons goulûment l’eau glacée, non sans l’avoir passé au filtre. Le froid nous mord l’estomac mais nos bouches desséchées sont ravies.

On fait une petite pause pour remplir copieusement les bouteilles. J’en profite pour tremper un peu mes pieds endoloris. Puis on repart, car le soleil de la fin d’après-midi projette déjà de grandes ombres sur le chemin.

Après avoir tout monté, il faut tout redescendre jusqu'à Fos (tout en bas)
Après avoir tout monté, il faut tout redescendre jusqu’à Fos (tout en bas)
Les chevaux aussi aiment bien grimper sur les montagnes
Les chevaux aussi aiment bien grimper sur les montagnes

La descente jusqu’à Fos est une longue route de lacets dans une forêt de pin touffue. Nos pas foulent les feuilles mortes. L’ambiance est tamisée, on se croirait en automne. Plus on descend et plus la lumière baisse, avec le soleil qui se couche, au point qu’on hésite à sortir les frontales. Heureusement nous finissons par déboucher sur la route, et quelques dizaines de minutes plus tard nous sommes enfin à Fos. Demain nous serons en Ariège.

Sur la place du village, il y a un petit concert. Il fait nuit désormais et de jolies guirlandes décorent la terrasse. Nous ne nous y attardons pas car on tombe de fatigue. On se met à chercher le camping prétendument gratuit de la ville, un peu sceptique, mais une dame du coin nous confirme son existence. Un dégât des eaux à obliger la mairie à le fermer – ils ne peuvent plus faire payer les gens pour y entrer, donc ils l’ont rendu gratuit.

Surprise ultime, il y a même un sanitaire et une douche chaude. Malgré l’heure tardive, après avoir dîné, nous nous payons le luxe de la douche. Puis dodo. Il fait tellement chaud en ce moment qu’on ne sort qu’un quilt pour tous les deux, on l’étale en travers, ça fait une couette.

Samedi 13 aout – Jour 55 – Passage en Ariège

25,77km / 2058m D+ / 1564m D-

J’ai eu une grosse migraine pendant la nuit, je n’ai pas beaucoup dormi. Malgré cela, levé matinal. On va prendre un bon petit déj et faire des courses de pain et de fromage en ville puis on entame la journée.

La montée vers Melles suit une route goudronnée sur plusieurs kilomètres. C’est de la montée facile mais de la montée quand même. On traverse de nombreux petits bourgs. Arrivées à l’orée du sentier s’enfonçant dans la montagne, on fait une pause déjeuner (déjà) et on remplit les bouteilles à une petite fontaine : aujourd’hui on ne se fera pas avoir !

Puis on monte en « mode enduro », d’un pas régulier, jusqu’au Col d’Auéran, frontière avec l’Ariège. La forêt laisse place aux prés. La montée est rude. On y va tranquillement mais sûrement. On fait connaissance avec quelques GRdistes, preuve qu’on est bien de retour sur le bon vieux GR10.

On a changé de stratégie de marche avec Florian : c’est moi qui marche devant, pour que je puisse aller à mon rythme, qui est moins rapide que celui de Flo. Ça m’évite de m’épuiser trop vite dans les montées. Et ça fonctionne plutôt bien à vrai dire. Nous marchons ainsi des heures.

 On pousse jusqu’à l’étang d’Araing et son refuge. On y arrive pile au moment où se déclenche une grosse averse de grêle, ce qui nous donne une bonne excuse pour faire une petite pause goûter, serrés avec les autres randonneurs sur la terrasse abritée. Nous repartons dès que l’averse se calme, mais nombreux sont les GRdistes qui se sont arrêtés là pour la nuit.

La cabane de l’étang d’Araing, en contrebas du refuge, est une petite merveille, comme à peu près toutes les cabanes de l’Ariège. Si on ne voulait pas aller aussi loin que possible, on se serait probablement arrêtés là ! Nous sommes étonnés qu’il n’y ait personne ici alors que le refuge est blindé.

On fait le plein d’eau à un ruisseau, car ils n’avaient pas d’eau pour nous au refuge. Nous sommes bien soigneux sur l’entretien de nos stocks cette fois, et à raison, car il fait chaud et vu le dénivelé qu’on s’enfile, vaut mieux boire.

On passe une bosse jusqu’aux anciennes mines de Bentaillou. C’est un vrai décor de film, avec des poutres et des rails rouillés, un gros cavage de mine, des bâtiments en ruine…

Les ruines des mines Bentaillou, perchées au bord du vide
Les ruines des mines Bentaillou, perchées au bord du vide
Mathilde essaye de reprendre ses esprits ...
Mathilde essaye de reprendre ses esprits …
... Tandis que Florian explore la mine
… Tandis que Florian explore la mine

Et on se retrouve coincé par un patou et un troupeau de brebis qui, eux aussi, veulent faire de la randonnée. A force de patience et de contournement, on réussit à fendre la foule de brebis sans trop les effaroucher. On passe à côté de la Cabane de Bentaillou qui résonne des voix de bergers en train de faire la fête.

Brebis sur le sentier
Troupeau de brebis un peu envahissant sur le sentier

La descente jusqu’à Eylie est affreusement longue et très escarpée. Mes pieds et mes genoux sont complètement en compote. J’ai l’impression d’être dans un cauchemars, qui prend fin près d’une petite rivière, dans la forêt.

Le gîte d’étape d’Eylie est plein mais la zone de bivouac à quelques centaines de mètres est très bien. Florian monte la tente tandis que je prépare le dîner. On réserve un petit déj au gîte pour le lendemain matin, ça nous forcera à nous lever tôt et à prendre assez de force, même si ça nous oblige à refaire un petit bout de trajet en arrière.

Un autre GRdiste a monté sa tente sur l’aire de bivouac, mais il n’a montré aucune envie de discuter et a à peine dis bonjour. Ce n’est pas le premier randonneur un peu désagréable qu’on croise ici, est-ce que l’Ariège rend les gens aigris ?

Dimanche 14 aout – Jour 56

20,96km / 1709m D+ / 1824m D-

Miam miam le petit déj au gîte. On en a profité pour racheter du fromage. Puis bon maintenant qu’on est dans la vallée, sans surprise, il faut remonter. On va jusqu’au Cap de l’Empaillou. Rythme tranquille mais régulier. C’est la première montée de la journée.

Ici on avait songé à faire un détour pour aller jusqu’au Mail de Bulard où se situe la mine la plus haute d’Europe, à quelques 2700m. Elle est désaffectée évidemment. J’imagine bien les rails métalliques se jetant dans le vide du haut de la falaise, d’immense pylônes de rouilles dressés tels des doigts tendus vers le ciel, la bouche sombre de la mine crachant des restes de wagonnets, ou encore les baraques tristes et délabrées laissant deviner des scènes de vie là-haut. Mais bon, trêve de rêveries, on n’est pas vraiment en état physique et psychologique de s’offrir un détour de 1000m de D+ en ce moment. En revanche, c’est soigneusement noté dans un coin de nos têtes pour plus tard.

Ici en bas, le paysage n’est pas foufou, des nuages nous attendent au col et on a vue sur des collines couvertes d’arbre. Je crois que j’apprécie davantage les paysages plus rocailleux, ça donne plus de relief.

On grignote un morceau au col, puis on redescend, enchaînant d’interminables lacets. Petite pause dans le creux de la vallée, au bord du ruisseau, pieds dans l’eau et barre de céréales avant de passer à la deuxième bosse de la journée jusqu’à la Maison du Valier.

On a changé l’itinéraire prévu à cet endroit-là : on devait aller jusqu’au refuge au pied du Mont Valier et faire un détour par le sommet éponyme mais finalement nous avons préféré rester sur le GR10 pour aller plus vite et moins se fatiguer. On ne reverra donc pas Vincent, le gardien de refuge rencontré à Arrémoulit, et qui passe le mois d’Aout au refuge des Estagnous.

Nous arrivons vers 18h au gîte de la maison du Valier. Il n’est pas plein ce soir ! On s’offre une nuit dans un lit et un bon repas chaud. Quel plaisir que de prendre une douche après cette longue journée de marche. C’est aussi un bon moment pour laver les chaussettes. Le tee-shirt, ce sera pour plus tard.

Brumeuse vallée d'Ariège
Brumeuse vallée d’Ariège

La machine commence à être bien rodée. Se ravitailler, laver les affaires, recharger les téléphones, nous nous acquittons rapidement de nos tâches pour ensuite aller manger. La cuisine est délicieuse et plus raffinée qu’une cuisine de refuge de montagne.

Je suis si fatiguée que je pourrais m’endormir la tête dans l’assiette, l’estomac plein et les papilles ravies. Je ne fais pas long feu une fois au lit.

dessin myosotis

– Fin de la 8ème semaine –

🏕️ Continuer l’aventure

Fond montagne dessin

Pendant la prochaine semaine, nous traversons l’Ariège, le département réputé le plus difficile de la traversée des Pyrénées.

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